Taxe sur les transactions financières : le double langage de la France

Le sommet franco-allemand, qui s’est tenu le 19 février, a affiché sa volonté d’aboutir à une taxe sur les transactions financières. Mais le gouvernement français jette le trouble sur son contenu.

Thierry Brun  • 20 février 2014 abonné·es

Illustration - Taxe sur les transactions financières : le double langage de la France

À l’issue du sommet franco-allemand, le 19 février, François Hollande a indiqué que la France et l’Allemagne avaient « la volonté d’aboutir avant les élections européennes » , quitte à s’entendre a minima sur une taxe sur les transactions financières (TTF). « Je préfère une taxe imparfaite à pas de taxe du tout » , a lancé le président de la République, jetant le trouble sur le contenu du projet de taxe.

Le relevé officiel des principales décisions du conseil des ministres franco-allemand est peu disert sur la TTF, soulignant que la France et l’Allemagne « donneront rapidement une impulsion afin de présenter des propositions conjointes avec leurs partenaires européens de la coopération renforcée en vue d’obtenir le plus large accord possible avant les élections européennes » .

Décisions du conseil franco-allemand du 19 février 2014

Dans un communiqué publié le 19 février, Attac France estime que « l’absence d’accord ambitieux sur la TTF est une faute politique majeure qui incombe au gouvernement français » . Car, côté français, outre l’affirmation de François Hollande, d’autres déclarations ont semé le doute sur la portée réelle du projet de TTF.

« La France et l’Allemagne se sont mises d’accord aujourd’hui sur deux points importants concernant la taxe sur les transactions financières. Tout d’abord Pierre Moscovici (ministre de l’Économie) a précisé que les deux pays soutenaient une assiette incluant tous les produits dérivés. Et que nous voulions un accord entre les 11 pays membres de la coopération renforcée avant les élections européennes de mai prochain » , a assuré Pascal Canfin, ministre délégué chargé du Développement, dans un billet publié le 19 février (voir ici).

« Cette annonce n’est pas rassurante pour autant , prévient Dominique Plihon, économiste et porte-parole d’Attac France, qui a interrogé le ministre délégué lors de la conférence préparatoire à la conférence des Nations unies sur le climat, la veille du sommet franco-allemand. Pascal Canfin a répondu à ma question sur le sort de la TTF et expliqué qu’il s’agirait d’une taxation forfaitaire annuelle. Son impact serait minimal sur la spéculation. Et les ressources dégagées par cette taxation forfaitaire seraient faibles. Il n’est donc pas surprenant que Pierre Moscovici se soit rallié à une TTF incluant tous les produits dérivés. »

« Le gouvernement français a, jusqu’à présent, agi en coulisse pour réduire drastiquement la portée de la taxe en jouant sur les modalités concrètes de sa mise en œuvre » , ajoute le communiqué d’Attac France, qui s’interroge : « Le gouvernement français va-t-il poursuivre son travail de sape du projet de TTF ? Capitulera-t-il une nouvelle fois devant le secteur bancaire, de la même manière qu’il avait capitulé en 2013 sur le projet de séparation des banques ? »

Dans une lettre ouverte adressée à François Hollande, publiée le 12 février, associations, ONG et syndicats européens demandent « de ne pas céder à la pression du secteur financier et d’annoncer la mise en place dès 2015 d’une TTF sur toutes les classes d’actifs, pour enrayer la spéculation et financer les enjeux de solidarité nationale, européenne et internationale » .

C’est en effet en 2015 que la France accueillera la conférence des Nations unies sur le climat, et qu’une TTF « pourrait constituer une source importante de financement complémentaire pour un fonds international dédié au changement climatique et à la solidarité internationale » , rappelle Attac France.

Économie
Temps de lecture : 3 minutes