La revue de presse de Bruno Duvic : Le fil rouge de l’actualité

La revue de presse : un genre journalistique particulier auquel se livre Bruno Duvic chaque matin sur France Inter. Un exercice de hiérarchisation et d’écriture.

Jean-Claude Renard  • 27 mars 2014 abonné·es
La revue de presse de Bruno Duvic : Le fil rouge de l’actualité

Semaine 11. Le 7/9 de France Inter est en vadrouille, dans la perspective des municipales. Saint-Nazaire, Saintes, Issoire, Montchamp-Lablachère, Roissy… Une matinale en public, dans laquelle intervient Bruno Duvic, à 8 h 30, pour une revue de presse de six minutes. Avec une petite appréhension. Il y a beau avoir plus de deux millions d’auditeurs derrière le poste, à Saint-Nazaire, ce sont deux ou trois cents personnes dans la salle qui fichent le trac. Ce 7/9 en vadrouille, parfois à l’étranger, c’est l’occasion d’avoir un regard différent sur les journaux, la presse locale, dans son jus. Et de citer ainsi, dans cette capitale des chantiers navals, le Marin, un hebdo sur l’économie de la mer.

Curieux métier, drôle d’exercice pour ce qui demeure à la Maison ronde une obligation, un véritable cahier des charges, depuis toujours. Pour autant, on ne naît pas spécialiste. On le devient, en s’emparant du genre. Quand Bruno Duvic arrive dans les bureaux de France Inter, au milieu de la nuit, à 3 h 30, il a déjà derrière lui une heure de lecture de l’actualité sur Internet, et entame « une phase de recherches ». Une lecture des quotidiens nationaux, des hebdos, la presse régionale, voire étrangère selon les jours, qu’il feuillette d’abord, avant de « gratter un peu plus », notamment les éditos, avant de lire en profondeur. Jusqu’à 7 heures. Un exercice comprenant les mensuels, comme le Ravi, les magazines spécialisés, et les sites, comme Mediapart, Rue 89, Bastamag, ou le Huffington Post, ou les blogs. Pour le coup, Internet a modifié la donne. Au commencement de sa revue de presse, voilà cinq ans, après avoir présenté plusieurs journaux et l’émission à caractère international « Et pourtant elle tourne », « la lecture des sites était de l’ordre du complémentaire. Ils n’étaient pas aussi riches, aussi informés. Maintenant, observe le journaliste, ça fait partie de la recension. Cela a aussi permis de ne plus se limiter aux seuls grands quotidiens, et dans une temporalité différente. Aujourd’hui, une actualité dure moins de vingt-quatre heures. Certains matins, en ouvrant la presse, elle me paraît déjà dépassée, traitant d’une actualité présente la veille dans le journal de 13 heures. Mais parallèlement, il existe beaucoup de titres, avec une temporalité plus longue, comme la Revue XXI, aux contenus intéressants, mais qui exigent du temps  ». Un temps qui occupe l’après-midi. En attendant, dans cette longue phase de lecture nocturne, « l’enjeu est de repérer des sujets, de voir ceux qui s’enchaînent pour tisser un fil rouge. Dans cette phase, on est un chercheur d’or devant une pile de journaux ».

Avec le devoir de hiérarchiser. Un devoir qui s’opère « selon ce qui vous accroche, ce que l’on a envie de faire partager, en restant dans l’actualité du jour, et en tenant compte des réactions hypothétiques de l’invité, surtout de ce qui a été dit avant moi, au sein d’une matinale qui a déjà eu les journaux d’information de 7 h, de 7 h 30, et de 8 h, des éditos, des chroniques, avec des sujets déjà traités, parfois très largement ». De fait, amplement évoquée la veille, ce mardi 18 mars, la circulation alternée n’entre pas dans la revue de presse. Cet arbitrage s’applique chaque matin. « La difficulté de l’exercice, c’est de choisir. Tous les matins, à un moment, je me dis “maintenant, tu arrêtes de chercher !”, parce que je pourrais ne jamais m’arrêter ! Mais il faut tenir l’antenne, et se mettre à écrire. C’est l’un des plaisirs de la revue de presse. Si on se laisse seulement 45 minutes pour écrire, on a raté l’affaire. » Une revue dans laquelle Bruno Duvic a introduit des éléments sonores puisés justement dans les sites, la notion de brèves, avec des informations plus courtes, citant les unes, des titres d’articles, donnant ainsi du rythme à l’exercice, glissant des respirations, ajoutant encore des relances avec l’animateur de la matinale (en l’occurrence, Patrick Cohen, qui ne connaît de la revue de presse que ses grandes lignes et la découvre en même temps que l’auditeur). À 8 h 39, Bruno Duvic en a terminé. Et rentre chez lui encore chargé de titres, pour dormir de 11 h à 14 h, puis entre 22 h et 2 h. Soit, « une vie à l’envers ».

Médias
Temps de lecture : 4 minutes