Réveil en fanfare

Géniale bricoleuse, la compagnie Turak fait l’éloge musical du système D.

Anaïs Heluin  • 20 mars 2014 abonné·es

«Theater occupied », « Orkestra on strike » , « L’Avenir c’est deux mains »… Au milieu d’un fatras d’objets d’abord indistincts, se détachent des slogans un brin fantasques, écrits dans toutes les langues. Débris d’une révolution oubliée, ces quelques mots sont des exceptions, presque des intrus, dans la Turakie septentrionale de Michel Laubu et sa compagnie Turak. Née des rebuts d’un monde disparu pour des raisons obscures, cette Turakie est un univers merveilleux peuplé de pantins mutiques, mais toujours au bord du gouffre. De la dissolution.

Dans les Fenêtres éclairées (2011), elle se relevait d’un déluge qui, à part la demeure d’une drôle de marionnette à la face lunaire, avait tout emporté. Sur les traces du ITFO* ( Import’Nawouak Turakian Folklorik Orke’star ), la dernière création de Turak, met en scène un orchestre qui renaît de ses cendres. Autrement dit : ­l’Orchestre national de Turakie, nous renseigne un haut-parleur à moitié déglingué, seul lien entre le plateau bordélique et un extérieur dont on ne sait rien.

À en croire l’attitude des musiciens qui ne tardent pas à émerger d’entre les pancartes et autres vestiges de révolte, cet orchestre dut être grand. Manipulés par des artistes tantôt quasi invisibles, tantôt aussi apparents qu’eux, ces musiciens sont des pantins capricieux et pleins d’étranges manies. Ils passent leur temps à attacher des pédaliers à des accordéons, à trafiquer des trompettes qu’ils utilisent comme des longues-vues. La musique ne vient pas toujours d’où l’on croit, nous font-ils comprendre quand, finalement, tous leurs détournements d’objets donnent lieu à une puissante symphonie.

Théâtre
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