Fauteur(s) de trouble

Que dit Mélenchon de ce flippantissime personnage ? « M. Finkielkraut est troublant. »

Sébastien Fontenelle  • 24 avril 2014 abonné·es

Je suis comme toi : « un peu » ulcéré par le traitement que la presse dominante en général, et le Monde en particulier, inflige à Jean-Luc Mélenchon. Mais, une fois qu’on a dit ça, force est de constater que le gars est, certaines fois, un peu compliqué – et qu’il n’est, par exemple, pas toujours évident de le suivre dans les tours et détours de ses engouements. En 2010, pelle-toi, Éric Zemmour – le fameux journaleux défiltré – avait déclamé, dans le cours d’une émission de télévision de qualité [^2], que c’était pas étonnant du tout que les Français-issus-de-l’immigration soient plus contrôlés – au faciès – que les Berrichons d’ancienne souche, mâme Dupont. Car on sait bien, vous et moi, n’est-ce pas – cligne (de l’œil), cligne (de l’œil) –, que « la plupart des trafiquants sont Noirs ou Arabes, c’est comme ça, c’est un fait »  : cette répugnante profération lui avait valu d’être, un an plus tard, condamné pour provocation à la haine raciale. Mais, entre-temps, Mélenchon, pris d’une admirative compassion, lui avait publiquement apporté du soutien, en déclarant, je cite :  « Je connais Zemmour. Ce type n’est pas un raciste. C’est un brillant intellectuel. »

Ce qu’oyant, l’on avait, par bienveillance, voulu mettre cette stupéfiante considération sur le compte de quelque chose comme une fatigue passagère. Mais voilà que la semaine dernière, juste après qu’Alain Finkielkraut venait d’être admis dans l’Académie françousque, ça l’a repris. Finkielkraut est, tu sais, ce commentateur débondé de l’actualité qui s’est, au fil des ans, spécialisé dans la production de saillies d’où ressort, par exemple, qu’il y a quand même (liste non exhaustive) beaucoup de Noirs dans l’équipe de France de football et que c’est quand même un peu gênant [^3], et de sentences comme celle-ci, toute récente, et que j’aime quant à moi beaucoup pour ce qu’elle nous dit (ou confirme) de son auteur : « La France devrait s’engager sans tarder dans une politique de réduction des flux migratoires  […]. Mais, quand je dis cela, on me classe à droite, voire à l’extrême droite [^4] ».

Et que dit Mélenchon de ce flippantissime personnage ? Mélenchon dit, je cite : « M. Finkielkraut, à l’évidence, participe de la diversité intellectuelle des Français, avec, on peut le dire, même si on n’est pas d’accord avec lui, ce qui est mon cas, un certain talent et une certaine noblesse dans le dire, dans l’écrire, dans la mise en scène des choses, et la meilleure des preuves, c’est qu’il est troublant. Quand vous êtes troublé par un intellectuel avec lequel vous n’êtes pas d’accord, c’est qu’il a posé des questions sur lesquelles, peut-être, vous, vous êtes dans un angle mort de votre pensée. »

Mais, en vrai, on peut se sentir plutôt troublé par certains élans du camarade qui trouve, au fil des saisons, de la brillance, puis de la noblesse, dans la logorrhée dégueulasse de clercs appointés à la stigmatisation de l’Autre.

[^2]: Non, je rigole : c’était chez Ardisson.

[^3]: Vu que ça fait « ricaner l’Europe entière ».

[^4]: Valeurs actuelles , 17 avril 2014.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes