FSU : « Les fonctionnaires ont un désaccord majeur avec le gouvernement »

Les fonctionnaires, cibles du plan d’économies de Manuel Valls, seront dans la rue le 15 mai, à l’appel de leurs syndicats. Entretien avec Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU.

Thierry Brun  et  Jonathan Baudoin  • 18 avril 2014
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FSU : « Les fonctionnaires ont un désaccord majeur avec le gouvernement »
© Crédit photo: Michel Soudais

Les organisations syndicales de fonctionnaires ont été reçues par Manuel Valls le 17 avril. Au cœur des discussions, les 18 milliards d’euros d’économies que l’État doit réaliser entre 2015 et 2017, ainsi que les 11 milliards annoncés pour ce qui concerne les collectivités, dans le cadre du plan de 50 milliards de réduction des dépenses publiques.
Bernadette Groison, secrétaire générale de la Fédération syndicale unitaire (FSU) , première organisation syndicale de la fonction publique d’État, explique les conséquences de ces mesures pour les 5,2 millions de fonctionnaires, alors que sept syndicats de fonctionnaires (CFDT, CFTC, CGT, FA-FP, FSU, Solidaires, Unsa) ont appelé à l’action le 15 mai.

Manuel Valls a indiqué que l’État devra prendre sa part dans le programme de 50 milliards d’euros d’économies sur la dépense publique entre 2015 et 2017. Les fonctionnaires sont les premiers visés. Est-ce le bon moyen de s’attaquer au déficit public ?

Bernadette Groison : Le Premier ministre laisse à penser que le gouvernement est décidé à mener à bien son plan d’action de 18 milliards d’euros d’économies à réaliser par l’État. C’est pour cette raison que j’ai déclaré, après notre rendez-vous à Matignon, que cela nous confortait dans l’idée que les agents se mobiliseront très fortement le 15 mai.

S’il n’y a pas une réaction et une mobilisation des agents de la fonction publique contre ce plan d’économies, nous pourrons difficilement proposer un autre cap à ce gouvernement. Nous avons eu des discussions avec Manuel Valls, mais celui-ci ne modifie en rien ses annonces. Il nous a expliqué qu’il n’y avait pas d’autre choix que celui de tenir les engagements de réduction des déficits publics.

Illustration - FSU : « Les fonctionnaires ont un désaccord majeur avec le gouvernement » - Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, était face à Manuel Valls, à Matignon le 17 avril (AFP/Pierre ANDRIEU)

Nous avons répondu que nous étions en désaccord total avec ce plan. Cela fait quatre ans que l’on exige des salariés qu’ils fassent des efforts, que ce soit sur les retraites, les salaires ou la Sécurité sociale. On a renfloué les banques, les entreprises, et cela ne marche pas : nous ne sommes toujours pas sortis de la crise. Nous ne pouvons pas accepter que ce gouvernement pénalise encore plus les fonctionnaires.

Nous doutons fortement de l’efficacité économique des mesures annoncées. Ce n’est pas la bonne voie. Nous disons qu’il faut mettre en œuvre une grande réforme fiscale et qu’il faut répartir mieux les richesses. Nous disons aussi que la relance passe par l’emploi et le pouvoir d’achat. Nous avons un désaccord majeur avec le gouvernement sur les choix économiques.

Gelé depuis 2010, le salaire des fonctionnaires ne connaîtra pas d’augmentation avant 2017. Quelles sont les conséquences ?

C’est totalement injuste pour les fonctionnaires. Leur annoncer cette année un blocage des salaires et le gel des pensions, cela signifie qu’ils vont continuer à perdre du pouvoir d’achat. Or, la fonction publique, comme pour beaucoup de salariés, est dans une situation très difficile, avec des inégalités de 15 à 20 % entre les femmes et les hommes, avec 20 % d’agents qui sont au smic, avec des écarts de salaire très importants, qui décrochent par rapport aux qualifications demandées. Un million de salariés non titulaires travaillent dans la fonction publique et sont déjà dans une situation précaire.

L’Insee, organisme statistique public, a montré que, pour la première fois, les agents de la fonction publique ont connu une baisse de salaire. Elle est variable selon que l’on est dans la fonction publique d’État, territoriale ou hospitalière. La perte se situe dans une fourchette de 0,5 à 0,8 point de pourcentage. Une énième baisse de salaire va donc aggraver la baisse pour l’ensemble des agents. Depuis 2010, cela équivaut à la perte d’un mois de salaire par an. Depuis les années 2000, nous avons perdu deux mois de salaire.

Cette situation pénalise la fonction publique, qui est de moins en moins attractive. Si on prend le cas de l’enseignement, un certain nombre de concours d’enseignants du second degré, dans certaines options, manquent de candidats. Certains étudiants préfèrent s’orienter vers le privé, où ils savent qu’ils seront mieux payés que dans la fonction publique. Nous sommes l’un des rares pays de l’OCDE (organisation rassemblant les 34 pays les plus riches de la planète) où les salaires des enseignants diminuent, tandis qu’ils augmentent partout ailleurs.

Manuel Valls a cependant maintenu la promesse de créer 60 000 postes dans l’éducation…

Oui, mais ce sont des fonctionnaires qui seront soumis à la même inflation que les autres, qui n’exerceront pas dans des conditions décentes leur mission de service public. On le voit à travers les problèmes de logement, de transports et de soins. Les fonctionnaires ont, comme tous les salariés, à compenser les économies réalisées sur les services publics et la Sécurité sociale. Sauf qu’on leur dit qu’ils devront se serrer la ceinture jusqu’en 2017 et qu’il n’y a rien à négocier sur les salaires.

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