Fanélie Carrey-Conte : Discrète et rebelle

La députée Fanélie Carrey-Conte fait partie de ces « frondeurs » qui n’ont pas voté la confiance à Valls. Une femme qui gagne à être connue.

Pauline Graulle  • 1 mai 2014 abonné·es

Ne pas se fier à son allure sage. Derrière ces strictes lunettes et ce sobre chemisier, se cache une vraie rebelle. Socialiste et rebelle : un oxymore ? Reste qu’en ces temps où le trio Valls-Cambadélis-Le Roux a pris le pouvoir, il faut pas mal d’audace pour défendre au sein de sa propre famille qu’ « une autre voie est possible », explique Fanélie Carrey-Conte, dans son minuscule bureau de l’Assemblée nationale.

C’est justement l’objet de la lettre adressée au Premier ministre. Au lendemain de l’annonce du plan de 50 milliards d’euros d’économie, 11 parlementaires, dont la députée de Paris, ont écrit leurs « contre-propositions »  : geler le budget de la Défense plutôt que les prestations sociales, accorder 20 milliards d’aides ciblées aux entreprises plutôt que 30 milliards sans contreparties, relancer l’investissement par les collectivités locales plutôt que les supprimer… « Nous voulons que le quinquennat réussisse : or, en plus d’être injustes, les mesures de Valls seront inefficaces », insiste cette proche de Benoît Hamon qui milite à l’aile gauche depuis ses années de fac à Sciences Po-Bordeaux. Des lettres, Fanélie Carrey-Conte en a signé. Beaucoup. Pour réclamer une politique plus à gauche ou s’expliquer sur ses votes à contre-courant. À peine élue députée, la voilà qui votait déjà, à l’automne 2012, contre le TSCG. Crime de lèse-Ve République ! Rebelote quelques mois plus tard : elle s’abstient sur les retraites, l’ANI, la confiance… Si, en politique, s’abstenir revient parfois à déclarer la guerre, la trentenaire est déjà une vétérante : « Oui, il y a eu des tensions, des reproches, mais ce n’est pas ça qui est important. Quand je suis convaincue, que j’ai une argumentation solide, je n’hésite pas. » Qu’importe si le changement n’arrive pas. Et que l’on se retrouve à avaler des couleuvres. « Déjà, il faut sortir du discours du “non-choix”. Ensuite, rappeler qu’il y a des marges de manœuvre, même si l’individualisme actuel est peu propice à une action de gauche. » Il y a aussi la méthode Carrey-Conte. Plutôt petits pas que grands discours. « Elle ne cherche pas les coups médiatiques, mais elle a de l’influence », dit Véronique Massonneau, députée EELV. « C’est quelqu’un qui consulte beaucoup, écoute, ne se paye pas de mots », ajoute Barbara Romagnan, sa consœur à l’Assemblée.

Pas du genre à se faire mousser, plutôt à choisir l’efficacité discrète. Voir sa première proposition de loi sur «   les réseaux de soins mutualistes »  : « En gros, l’idée était de faire baisser le prix des lunettes et des couronnes dentaires. » Rien de révolutionnaire, s’excuserait-elle presque. Mais utile. Il faut dire que celle qui a fait ses classes dans le syndicalisme (à l’Unef puis à la Mutuelle des étudiants) croit en l’économie sociale et solidaire. Un secteur où elle a construit sa vie professionnelle avant d’être propulsée au Palais-Bourbon. Elle qui n’a jamais eu de plan de carrière ne s’y attendait pas. Secrétaire de section du PS, elle s’était appliquée à faire vivre la politique dans le XXe : travail avec les associations et la gauche locale, organisation de débats – parfois même dans la rue –, animation de la primaire dans les quartiers populaires, etc. « J’ai la nostalgie de cette époque où l’on débattait vraiment de la ligne », se souvient l’aubryiste d’alors. C’est pourtant une hollandaise pur jus, George Pau-Langevin, candidate aux législatives de 2012 et dont elle est la suppléante, qui va lui ouvrir la voie en devenant ministre. « Sauvée » par le remaniement, qui a vu passer Pau-Langevin de l’Éducation à l’Outre-mer, Fanélie Carrey-Conte continue de « bosser comme une furieuse », selon Alain Esmery. Le président de la Ligue des droits de l’homme dans le XXe admire sa « simplicité, sa franchise et sa fidélité à ses valeurs ». Des vertus pas si courantes au PS. Alors, dans la tempête politique qui gronde, la députée pense souvent à cette phrase de Christiane Taubira : « Tout se domine. »

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