« Nous sommes une cible pour les industriels »

André Trémolières, éleveur de brebis à la retraite, à Curlande, dans l’Aveyron, fait le point sur les pratiques.

Politis  • 15 mai 2014 abonné·es

« Dans une région d’élevage comme la nôtre, on utilise peu de pesticides ou de produits de traitements, juste un peu de désherbant. On fait pousser des céréales uniquement pour faire tourner l’assolement, pas pour le rendement. Pour de l’agriculture plus économique, certains ­désherbent (chimiquement donc) puis sèment directement, sans labour. Les citadins dans leurs jardins, les services d’entretien des voies communales, des cimetières, des tours de stade, des bords de route, des voies ferrées… utilisent tous des désherbants.
Il y a vingt ans, utiliser des produits de traitement, c’était être moderne : on ne nous disait jamais que c’était dangereux pour la santé, car c’était anti-commercial. Aujourd’hui, les agriculteurs sont obligés de suivre une formation pour pouvoir les utiliser, mais restent une cible pour les industriels. Et beaucoup sont contraints d’utiliser des intrants pour cultiver des espèces de plus en plus sélectionnées, mais aussi plus fragiles.

Certains continuent à exploiter dans le « bon sens paysan » : limiter l’usage de désherbants, travailler la terre, récolter et élaguer à la bonne saison, etc. De bonnes pratiques qui étaient inscrites dans les baux ruraux et sont peu valorisées.

Depuis cinq ou six ans, les informations concernant l’impact des pesticides sur la santé sont plus présentes dans les journaux agricoles. Mais le mal est fait, et les malades sont encore peu écoutés. Attention, toutefois, de ne pas passer de l’omertà sur les pesticides à la suspicion dès que l’on verra un collègue mettre quelque chose dans son champ. Par ailleurs, un citadin mal informé, voyant un agriculteur épandre de la chaux, pourrait s’imaginer qu’il pollue alors qu’il n’y a rien de plus naturel pour enrichir une terre battante (acide).
Dans nos régions, où nous ne produisons pas suffisamment de céréales, nous manquons de paille pour la litière des animaux. Nous sommes donc obligés d’en acheter. Mais celle-ci, hélas, est traitée et dégage beaucoup de poussières que les éleveurs inhalent tous les jours, sans forcément porter de masque. Je ne cesse de me demander pourquoi on vend si cher des produits qui sont dangereux pour la santé et pourquoi c’est l’utilisateur le pollueur, et non le fabricant… »

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