Le parti pris tenace d’Hillary Clinton

L’ex-secrétaire d’État revient sur les négociations américano-israéliennes. Édifiant.

Denis Sieffert  • 26 juin 2014 abonné·es

Elle fut « First Lady » quand Bill, son époux, occupait le bureau ovale. Elle a été secrétaire d’État de Barack Obama. Et elle est la probable candidate démocrate à la Maison Blanche pour 2016. Les réflexions d’Hillary Clinton sur la situation internationale sont donc à plus d’un titre intéressantes, quoique souvent inquiétantes. Le chapitre de ses Mémoires consacré au Proche-Orient est particulièrement édifiant. Son parti pris pro-israélien ne surprendra personne. Ce qui peut étonner, c’est la naïveté, voire la grossièreté, des clichés et préjugés qui foisonnent dans son récit.

Dès sa première visite dans la région, Hillary Clinton dit avoir éprouvé « une profonde admiration pour le talent et l’opiniâtreté du peuple israélien ». « Ces gens-là, écrit-elle, avaient fait fleurir le désert et fondé une démocratie prospère dans une région regorgeant d’ennemis et d’autocrates. » On n’est pas loin du « peuple sans terre pour une terre sans peuple ». Les Palestiniens n’existent guère dans ce schéma, et les « ennemis » n’ont pas de motifs apparents. Par la suite, elle exprime sa compassion pour les victimes israéliennes des attentats, mais ne verse pas une larme pour les morts et les blessés palestiniens, qui n’apparaissent que sous forme de statistiques. À propos de Camp David II, en 2000, Hillary Clinton affirme que le plan qui prévoyait « la création d’un État palestinien » avait été accepté par le Premier ministre israélien Ehoud Barak, « mais refusé par Yasser Arafat ». Ce qui est un peu court… On apprend en outre que « l’administration Bush » a ensuite fait de la création d’un État palestinien « la politique officielle des États-Unis ». Devenue secrétaire d’État en 2008, Hillary Clinton brosse un portrait élogieux de « Bibi » Netanyahou. Si on le traite « en ami », dit-elle, on a « de bonnes chances de pouvoir faire avancer les choses ». Propos tragiquement contredits par la suite. Car Dieu sait si « Bibi » a été traité en ami, mais on cherche vainement en quoi « les choses » ont avancé. Fin 2010, début 2011, ayant renoncé à imposer un gel de la colonisation, Hillary Clinton dit avoir « exhorté » le Premier ministre israélien à « faire preuve de réserve lorsqu’il approuverait de nouvelles constructions » … Colonisez, mais discrètement… « Bibi, écrit-elle, m’a promis d’être raisonnable. » Un peu plus tard, un troc est organisé : Israël gèlera pendant 90 jours la colonisation et les États-Unis lui verseront 3 milliards de dollars d’aide à la sécurité d’Israël. Ils opposeront aussi leur veto à toute résolution des Nations unies défavorable à l’État hébreu. Pour trois mois de parenthèse de la colonisation, Israël obtient ainsi les moyens militaires et diplomatiques de préparer la prochaine campagne de répression contre les Palestiniens.

On sait que les États-Unis ont tenu leurs engagements, pas Israël. Mais qu’importe, car les vraies ambitions de Washington sont désormais en Asie. Les Mémoires d’Hillary Clinton ne laissent aucun doute à ce sujet. Le Proche et le Moyen-Orient ne reviennent à l’ordre du jour que lorsqu’il y a le feu. Il s’agit alors d’éteindre un incendie, pas de trouver une solution.

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