Les trois options de la gauche

Après le désaveu électoral, chacun cherche des pistes pour sortir le pays de sa torpeur politique.

Michel Soudais  • 12 juin 2014 abonné·es
Les trois options de la gauche
© Photo : AFP PHOTO / PASCAL PAVANI

Comment contraindre le gouvernement à changer de cap ? Tous ceux qui, à gauche, s’opposent à la politique de l’offre impulsée avec obstination par François Hollande butent sur cette question. Une question cruciale puisque plus personne, depuis le 25 mai, n’imagine – hormis peut-être dans quelques sphères gouvernementales – que la politique menée par l’Élysée et Matignon puisse recueillir l’assentiment d’une majorité d’électeurs. Pour y répondre, trois options ont cours ces jours-ci.

La première consiste à mettre autour de la table toutes les personnes de bonne volonté en espérant que, de cette réunion, sortiront quelques idées acceptables par l’exécutif sur lesquelles pourrait se rebâtir une unité à gauche. C’est ce que tente le PS, où Jean-Christophe Cambadélis a chargé Julien Dray de renouer le dialogue avec les composantes de feu la gauche plurielle : le 11 juin, il rencontrera ensemble EELV, le PRG, le PRC et le MUP de Robert Hue ; une rencontre séparée est prévue avec le PCF. Le courrier adressé par Emmanuel Cosse, secrétaire nationale d’EELV, aux responsables du MoDem, du PS, du PCF, du PG, du PRG, du MRC, d’Ensemble ! ou encore à Nouvelle Donne, Cap21 et au MUP, relève également de cette démarche. Pour sortir de « la grave crise politique et morale » que traverse le pays, la patronne d’EELV leur propose de prendre « une initiative commune pour formuler publiquement des propositions au gouvernement et au président de la République ». Elle souhaite, « au nom des écologistes, tenir dans les semaines qui viennent des débats publics » pour aborder deux chantiers qu’EELV jugent « primordiaux »  : « La question de la relance de l’emploi » en France et en Europe, qui « passe évidemment par la transition écologique de l’économie », mais aussi « la restauration de la confiance dans la démocratie », qui « passe par une profonde réforme institutionnelle ». Cette initiative a été fraîchement accueillie dans les rangs du Front de gauche. « Il nous semble impossible de construire une réponse aux défis contemporains avec une partie de la droite », a répondu Ensemble ! dans un courrier. Pas question de répondre à des « appels à l’unité de toute la gauche incluant le PS en tant que tel », a fait savoir Martine Billard, coprésidente du PG ; vu les positions du PS, de tels appels ne peuvent « apparaître que comme de la tambouille politicienne » .

La deuxième option anime les « frondeurs » du PS. Ces députés contestataires réunis dans « l’appel des 100 », qui viennent de rendre publique leur plateforme et de se doter d’un site Internet, se réunissent tous les mardis matin. Leur objectif ? Réorienter la politique du gouvernement en rassemblant une majorité de députés socialistes sur les amendements qu’ils déposeront, principalement lors des débats budgétaires, en juillet et à l’automne. Mais c’est encore davantage dans un congrès, où le choix social-libéral de François Hollande, jamais débattu auparavant, serait majoritairement rejeté, conduisant l’exécutif à changer de gouvernement, qu’ils placent leurs espoirs. D’où une multiplication des réunions entre socialistes membres de la Gauche populaire, de la Gauche durable, d’Un monde d’avance ou de Maintenant la gauche, en vue de constituer un pôle susceptible d’emporter la majorité du PS. Cette option, Liêm Hoang-Ngoc l’a baptisée « hypothèse Pivert », en référence à Marceau Pivert, dirigeant de la Gauche révolutionnaire au sein de la SFIO, qui, jusqu’à sa démission en 1938, imaginait possible de rallier les socialistes à ses idées. « La voie la plus rapide pour éviter la débâcle en 2017, c’est que l’hypothèse Pivert se déploie et gagne le congrès », a-t-il déclaré samedi en clôture du colloque du Club des socialistes affligés. Sans cacher ses doutes sur la possibilité d’un tel scénario.

Reste une troisième option, que le même appelle « l’hypothèse Syriza », celle d’un rassemblement rouge, vert et rose. Pourra-t-il se bâtir d’ici à 2017 ? Ou ne pourra-t-il émerger que sur le champ de ruines légué alors par le PS ? C’est l’enjeu des discussions entre Front de gauche, écologistes et socialistes anti-austérité qui ont commencé ici et là depuis le 25 mai. Et devront encore se poursuivre longtemps en impliquant toujours plus d’acteurs.

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