La tentation est assez forte…

Si des effrontés osent protester contre ces boucheries, BHL décrète qu’il s’agit de salopards.

Sébastien Fontenelle  • 24 juillet 2014 abonné·es

Bernard-Henri Lévy (dit BHL), romanquêteur de médias, a récemment écrit un livre qui s’appelait, si mes souvenirs sont bons, La guerre sans l’aimer – et je ne suis pas du tout certain, pour ce qui me concerne, que ce titre soit complètement sincère. Car, en effet, ça fait tellement longtemps que j’entends (et vois) ce mec lancer, précisément, des appels à guerroyer, que j’ai plutôt l’impression – probablement très subjective – qu’il doit quand même aimer un peu ça.

Dans la seconde moitié des années 1990, par exemple, il voulait – ça l’obsédait – bombarder les « fascistes » serbes. Ainsi fut fait, et le Kosovo passa sous l’emprise des anciens chefs de l’UÇK, dont l’un des premiers soins fut d’encourager, après cette « libération » de leur pays, la persécution, selon des modalités que n’aurait pas reniées M. Mladic, de ses minorités rom et serbe – liste non exhaustive. (Mais là, BHL se tint coi, et ne détecta rien, dans ce comportement, de véritablement rédhibitoire.)

Plus récemment, on le sait, BHL a obtenu que la France – alors dirigée par M. Sarkozy, qu’il ne haïssait point – entre en guerre contre la Libye de Kadhafi. Et le bilan de cet engagement n’est pas non plus que positif puisque, après cette intervention, ce pays continue d’être ravagé par d’effroyables massacres. (Et là encore, BHL se cantonne dans un méticuleux silence.)

Mais, de toutes les guerres qu’il évoque – ou qu’il invoque –, ce sont celles que mène le gouvernement israélien dans ses environs immédiats qui lui inspirent ses productions les plus enflammées. Dans ces moments-là, BHL semble plonger dans une espèce de transe qui lui fait (écrire et) dire des déclamations plus hallucinées encore qu’à son accoutumée. De fait, il semble aimer beaucoup l’armée israélienne, qui est selon lui la plus « morale » du monde. De sorte que, dans les moments – fréquents – où elle fait dans ses alentours du hachis d’Arabes, comme en 2006 au Liban, où à Gaza (déjà) en 2009, il arrive que le romanquêteur saute dans un avion, à la fin d’aller mieux mesurer, sur place et de visu, l’étendue de l’éthique – et des admirables « scrupules » – de cette fascinante soldatesque. Puis il jure, dans des récits où la propagande se mélange de quelques volumes d’exaltation, qu’elle pratique, lorsqu’elle ensevelit par exemple Gaza sous les bombes, un constant « évitement des civils ».

Et si d’effronté(e)s manifestant(e) s, constatant de leur côté que tant d’humanisme se solde invariablement – et ces jours-ci encore, où, comme toi, je suppose, je suffoque de rage impuissante – par d’immondes massacres, osent protester contre ces boucheries ? BHL décrète – c’était dans le Point de la semaine dernière – qu’il s’agit de « salopards » ou d’ « imbéciles » antisémites. Salopard ? Imbécile ? Voilà bien des mots qui n’ont pas cours ici, où règne comme tu sais la plus exquise délicatesse langagière. Même si des fois, faut reconnaître : la tentation est assez forte.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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