Pas touche au pacte de responsabilité

Les amendements des députés frondeurs, favorables à plus de justice sociale, ont été rejetés lors de l’examen du collectif budgétaire.

Thierry Brun  • 3 juillet 2014 abonné·es

Malgré les fortes tensions au sein de la majorité socialiste, le gouvernement a veillé à ce que les 41 milliards d’euros du pacte de responsabilité destinés aux entreprises soient maintenus lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2014 ainsi que celui du budget de la Sécurité sociale (PLFRSS).

Plus d’une trentaine d’amendements des députés socialistes « frondeurs », inspirés de leur plateforme de propositions « pour plus d’emplois et de justice sociale », ont été retoqués en séance, parfois avec les voix de l’UMP et de l’UDI dans le cas du projet de budget rectificatif de l’État. Quant au budget de la Sécurité sociale, les 17 amendements déposés devaient passer à la trappe à la suite d’un report des votes à l’Assemblée, décidé par le gouvernement. Une manière de brider les frondeurs socialistes qui ont défendu, dans la nuit du lundi 30 juin au mardi 1er juillet, un amendement pour une contribution sociale généralisée (CSG) progressive. Les députés de l’Appel des cent avaient d’abord en ligne de mire le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Les animateurs de l’appel, dont Christian Paul, Fanélie Carrey-Conte, Jean-Marc Germain, Laurent Baumel et Pouria Amirshahi, souhaitaient « un rééquilibrage » du projet de budget du gouvernement « au profit du pouvoir d’achat et de l’emploi », sans combattre la politique d’austérité et son objectif de réduction des déficits programmée par Manuel Valls dans les budgets rectificatifs. Les amendements ne visaient pas les 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires prévues en 2014 dans le cadre du PLFR et du PLFRSS, premières mesures du plan d’économies de 50 milliards d’euros d’ici 2017. Les députés socialistes se sont attaqués aux dépenses budgétaires en faveur des entreprises, le gouvernement ayant programmé 6,5 milliards d’euros de réduction de cotisations sociales pour les entreprises et les indépendants (applicables au 1er janvier 2015), auxquels il faut ajouter la montée en charge du CICE en faveur des entreprises. À l’horizon 2017, les entreprises devraient bénéficier de 41 milliards d’euros de baisse d’impôts et de cotisations patronales dans le cadre du pacte de responsabilité, remis en cause par les frondeurs qui ont voulu retoucher le « montant d’allégement sur les entreprises, mal ciblé et mal calibré, pour en réorienter une partie vers des mesures plus justes et plus efficaces ». Les récalcitrants s’étaient saisis de l’analyse de Valérie Rabault, rapporteure générale du budget à l’Assemblée, pour dénoncer « le caractère récessif » du pacte de responsabilité. Un des initiateurs de l’Appel des cent, le député Jean-Marc Germain, avait pointé un solde négatif en matière de création d’emplois. Pour corriger le tir, une série d’amendements proposait de raboter de 18,5 milliards le montant des mesures destinées aux entreprises pour les orienter vers le soutien au pouvoir d’achat, avec notamment la création d’une CSG à taux réduits pour les classes moyennes et populaires, la suppression des gels prévus sur les allocations familiales, le logement, l’invalidité et les accidents du travail.

Un suivi de l’affectation du CICE, son contrôle et une participation accrue des entreprises aux investissements locaux en contrepartie de ce crédit d’impôt figuraient aussi dans les amendements au PLFR. L’un d’entre eux, rejeté de peu, exigeait son remboursement par les entreprises en cas de non-respect des engagements pris en matière d’investissement, de recherche, d’innovation et d’emploi. La bataille devait continuer avec l’examen du projet de budget pour la Sécurité sociale, en particulier sur le « dégel des retraites ». Après un coup de rabot sur les 22,5 milliards d’euros d’aides restantes destinées aux entreprises, les frondeurs souhaitaient « reconcentrer » 15 milliards vers celles « qui en ont réellement besoin », notamment pour encourager la « mutation écologique ». Surtout, l’Appel des cent reproche aux lois de finances d’être « tournées à 90 % vers l’offre avec 41 milliards de baisses d’impôts pour les entreprises », une politique créant un « effet de ciseaux inévitable : d’un côté, la lenteur des créations d’emplois liés à la politique de l’offre, et, de l’autre, les effets négatifs immédiats, d’ampleur plus importante, de la contraction budgétaire. Le solde est négatif et la montée du chômage inéluctable dans les mois qui viennent ». Une prévision désastreuse pour le gouvernement, et la majorité.

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