Ce rapport qui dort rue de Valois

En 2011, un travail inédit sur la crise du jazz a été rendu au ministère de la Culture. Depuis, plus rien.

Ingrid Merckx  • 28 août 2014 abonné·es

« Heureusement, il reste Radio France, avec une vraie présence du jazz sur France Musique et Fip, et les deux heures dominicales sur France Inter. » Cette citation date de décembre 2011 et émane d’un rapport sur la « filière jazz » ** remis au ministre de la Culture d’alors, Frédéric Mitterrand.

Réalisé par un groupe de travail réuni au sein de la Direction générale de la création artistique (DGCA) et composé de représentants de ladite filière, ce texte associe constats et préconisations sur l’insertion professionnelle, la diffusion, l’export, la structure économique, le disque et les médias. Dans cette dernière rubrique est dénoncée la quasi-disparition du jazz et des musiques improvisées dans la presse généraliste. Excepté à Radio France… Deux ans plus tard, le Bureau du jazz est menacé, et ce rapport « dort dans une armoire de la rue de Valois », regrette le pianiste Laurent Coq, signataire de la pétition pour le maintien du Bureau du jazz. Il déplore également la fermeture du centre d’information du jazz à l’Irma (Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles), annoncée en mai 2014, « faute du soutien de l’État ». Certes, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, a interpellé le 17 juillet Jean-Pierre Rousseau, directeur de la musique à Radio France, au Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, en affirmant : « L’exposition des musiques de création et du jazz est intangible pour le ministère. Ces musiques doivent avoir toute leur place, et je ne doute pas qu’elles l’auront. » Pour autant, l’État n’est pas revenu sur son désengagement de l’Irma, mettant en péril ses piliers fondateurs qu’étaient les centres d’information du jazz, du rock et des musiques traditionnelles.

Dans le sillon de la mobilisation de soutien au Bureau du jazz, il y aurait eu des discussions au ministère, cet été, en faveur d’une relance du centre d’information du jazz. Mais rien d’officiel encore. Et ce fameux rapport n’a toujours pas refait surface. Il est pourtant le fruit d’un travail collectif inédit résultant d’un débat ouvert au printemps 2011 par Laurent Coq. Sur son blog « Révolution de jazzmin », le pianiste avait alerté sur la difficulté croissante des jeunes musiciens à se faire connaître dans un contexte de marchandisation. En juillet 2011, une tribune signée dans Libération par des acteurs du jazz réclamait des états généraux pour faire face à la « crise profonde »  : « Le jazz perd chaque année en visibilité, englobé qu’il est dans les “musiques actuelles”, dont il est le grand oublié. » Frédéric Mitterrand avait missionné un groupe de travail, lequel avait rendu une liste de solutions à mettre en œuvre rapidement et sans engager trop de moyens, comme instaurer des premières parties avec des musiciens émergents. Pourquoi n’en avoir toujours pas tenu compte ? « Manque de volonté politique… », soupire Laurent Coq, qui ajoute : « Absolument éclectique, le Bureau du jazz accomplissait un vrai travail de service public en présentant tous les jazz. » Modèle de programmation, il devait inspirer « un projet d’une salle dédiée au jazz à Paris et administrée par des musiciens de tous les styles et tendances de cette musique ». Une autre idée abandonnée en 2012. Le prochain ministère saura-t-il s’en souvenir ?

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