Le symptôme d’une crise politique et institutionnelle

François Hollande a chargé ce matin Manuel Valls de former un nouveau gouvernement expurgé de ceux qui contestaient ses orientations politiques.

Michel Soudais  • 25 août 2014
Partager :
Le symptôme d’une crise politique et institutionnelle
© Photo : François Hollande à l'île de Sein, le 25 août 2014 (FRED TANNEAU / AFP)

La décision de remanier le gouvernement pour en exclure les ministres qui ne sont « pas loin des frondeurs » est dans la logique des institutions de la Ve République, que Jean-Pierre Chevènement avait fort bien résumé, le 22 mars 1983, en quittant le gouvernement de Pierre Mauroy pour protester contre le tournant de la rigueur : « Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne. » Si, par la suite, cette règle non écrite a été enfreinte à plusieurs reprises, aussi bien par des ministres de droite que des ministres socialistes, on n’avait jamais vu un ministre de l’économie dénoncer point par point la politique économique du gouvernement auquel il appartient, politique qu’il a précisément la charge de conduire. Il n’est donc pas surprenant que Manuel Valls, soucieux de ne pas se laisser « Ayraultiser », ait demandé au chef de l’Etat la tête d’Arnaud Montebourg et mandat pour former un gouvernement cohérent.

Il n’empêche, la démission du gouvernement Valls-1 , 147 jours seulement après sa formation (un record!), ne signe pas seulement son échec. Elle est aussi révélatrice d’une crise politique profonde entre le Président et sa majorité. Après avoir enregistré le départ des ministres EELV et le refus d’une quarantaine de frondeur de voter son pacte de responsabilité, François Hollande qui n’avait déjà pas voulu (ou su, ce qui revient au même) rassembler ceux qui avaient appelé à voter pour lui le 6 mai 2012, ne souhaite plus s’entourer que d’un carré de fidèles et de béni-oui-oui. Le communiqué publié par l’Elysée ce matin laisse peu de doute sur ce sujet :

« Le Président de la République a reçu ce matin le Premier Ministre.
Manuel VALLS a présenté au Président de la République la démission de son Gouvernement.
Le chef de l’Etat lui a demandé de constituer une équipe en cohérence avec les orientations qu’il a lui-même définies pour notre pays.
Sa composition sera annoncée dans la journée de mardi. »

Le gouvernement Valls-2 fera primer la discipline gouvernementale sur les engagements pris devant les Français lors des campagnes présidentielle et législatives de 2012, la soumission des ministres à la volonté élyséenne sur la satisfaction des attentes des électeurs de gauche. Institutionnellement, il en a les moyens. Du moins tant que les députés socialistes frondeurs se contenteront de manifester leur désaccord en s’abstenant plutôt qu’en votant contre. Comme le note fort justement le constitutionnaliste Dominique Rousseau sur Liberation.fr, la constitution de la Ve République connue pour être « un «bouclier» pour les gouvernants » peut aussi devenir « un bouclier contre le peuple » ce qui n’est pas sans poser « un problème : la communication ne passe plus, les canaux sont bouchés. Et naissent inévitablement des situations de crise » . Nous en sommes là depuis que François Hollande a décidé de tourner le dos aux engagements qui lui ont permis d’être élu, et de ne pas être un président de gauche.

Lire > Montebourg : « Je vais retourner travailler parmi les français. »
Lire > Filippetti : « Faudrait-il que nous nous excusions d’être de gauche ? »
Lire > Hamon : Ni gouvernement, ni opposition


Politique
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« Développer toutes les mutineries contre la classe dominante »
Entretien 17 avril 2024 abonné·es

« Développer toutes les mutineries contre la classe dominante »

Peter Mertens, député et secrétaire général du Parti du travail de Belgique, publie Mutinerie. Il appelle à multiplier les mobilisations contre l’Europe néolibérale et austéritaire sur tout le Vieux Continent.
Par Olivier Doubre
« Les Écolos, c’est comme les pirates dans Astérix qui se sabordent eux-mêmes » 
Politique 12 avril 2024 abonné·es

« Les Écolos, c’est comme les pirates dans Astérix qui se sabordent eux-mêmes » 

À la peine dans les sondages pour les élections européennes, avec une campagne qui patine, le parti écologiste se déchire sur fond d’affaire Julien Bayou. La secrétaire nationale, Marine Tondelier, tente d’éteindre le démon de la division.
Par Nils Wilcke
« Il est presque sûr que des eurodéputés RN ont reçu de grosses sommes de la Russie »
Entretien 11 avril 2024 abonné·es

« Il est presque sûr que des eurodéputés RN ont reçu de grosses sommes de la Russie »

À deux mois des élections européennes, l’ONG internationale Avaaz part en campagne contre le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen dont les sulfureux liens internationaux sont inquiétants.
Par Michel Soudais
« La gauche de demain doit être soucieuse d’un rassemblement démocratique »
Entretien 10 avril 2024 libéré

« La gauche de demain doit être soucieuse d’un rassemblement démocratique »

Le professeur de science politique Philippe Marlière est coauteur d’un court ouvrage étrillant la classe politique française et interpellant six personnalités (dont Hollande, Macron, Mélenchon). Pour lui, la gauche doit se repenser si elle souhaite devenir majoritaire.
Par Lucas Sarafian