Antiterrorisme : La loi de l’arbitraire et de la suspicion

Discuté à l’Assemblée nationale, le projet de loi antiterrorisme s’en prend aux droits fondamentaux.

Jean-Claude Renard  • 18 septembre 2014 abonné·es

En juillet, Bernard Cazeneuve présentait son projet de loi antiterrorisme au Conseil des ministres. Placé sous le sceau de l’urgence, le voilà discuté depuis le 15 septembre à l’Assemblée nationale. Mené tambour battant, sinon dans la précipitation, comme pour répondre à l’émotion suscitée par une actualité dramatique, le projet ajoute un arsenal de mesures pénales et administratives aux lois existantes. Il prévoit d’abord l’interdiction de sortie du territoire pour certains citoyens français, soupçonnés de vouloir partir à l’étranger dans le but de participer à une entreprise terroriste (mesure assortie d’une confiscation des pièces d’identité et d’une assignation à résidence). Et ce pour une durée de six mois renouvelable.

Le projet entend également ajouter à « l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » « l’entreprise individuelle à caractère terroriste ». Encore faudra-t-il déceler les réelles intentions de la personne avant tout acte répréhensible… Par ailleurs, la condamnation de l’apologie du terrorisme, déjà sanctionnée par la loi sur la presse (1881), serait élargie au code pénal, et plusieurs mesures toucheraient directement Internet, à travers la suppression d’un contenu ou le blocage d’un site. À peine énoncé, ce projet de loi n’a pas manqué de soulever inquiétudes et indignations. C’était déjà le cas en juillet dernier, dans nos colonnes (voir Politis n° 1312), pour Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’homme, qui soulignait un texte « déséquilibré et, de fait, liberticide », déléguant « une partie des décisions à l’administratif » au détriment du judiciaire et s’aventurant « dans la voie de la prédictibilité ». Aujourd’hui, estime le Syndicat de la magistrature, ce projet « réduit à la portion congrue le débat démocratique par l’invocation de la menace terroriste ». Secrétaire nationale du syndicat, Laurence Blisson craint « une application extensive et préventive » à partir de preuves fondées sur « des dossiers classés “secret défense” ou des écoutes administratives ».

Le volet Internet du projet suscite également des interrogations, même si les interventions doivent être encadrées par la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés). En effet, cette procédure « confie à l’autorité administrative le pouvoir de déterminer ce qui relève du terrorisme et ce qui reste de la contestation de l’ordre social, politique ou économique », juge le syndicat. Sans compter qu’il sera toujours délicat techniquement de supprimer un contenu sur la toile. Le plus à craindre est que ce projet fasse consensus au Parlement.

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