Burkina Faso : chute de Blaise Compaoré

Après 27 ans de règne et une contestation populaire d’une ampleur sans précédent, le président burkinabé a annoncé ce vendredi sa démission.

Lou-Eve Popper  • 31 octobre 2014
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Burkina Faso : chute de Blaise Compaoré
© Photo: ISSOUF SANOGO / AFP

Fin de règne. « Dans le souci de préserver les acquis démocratiques, ainsi que la paix sociale (…), je déclare la vacance du pouvoir en vue de permettre la mise en place d’une transition ». Ces mots sont ceux que Blaise Compaoré, désormais ancien président, a déclaré dans un communiqué. Dans la foulée, le général Honoré Traoré, chef d’Etat-major des armées, a déclaré qu’il assumait les fonctions de chef de l’Etat pendant la transition.

C’est l’annonce du projet de révision constitutionnelle, qui aurait permis à Blaise Compaoré de se représenter à la présidentielle de 2015, qui a jeté des centaines de milliers de Burkinabé dans la rue. Cependant, la contestation était en germe depuis longtemps.

Protégé par la France

Le Burkina Faso est un pays marqué par une solide tradition contestataire . La population a le réflexe de se révolter régulièrement face à l’injustice. Et la révolte qui a eu lieu hier, en réaction aux aspirations de Blaise Compaoré à demeurer au pouvoir, ne tombe pas du ciel. En réalité, elle était même plus que prévisible. Pour Lila Chouli, auteur de l’ouvrage Burkina Faso 2011, Chronique d’un mouvement social (Tahin Party), le pays était au bord de l’implosion depuis déjà plusieurs années.

En 2011, le pays avait été secoué par un important mouvement populaire, suite à la mort d’un collégien à cause de brutalités policières. Des mutineries avaient éclaté au sein de l’armée et beaucoup de monde imaginait déjà la chute du régime. La question de l’article 37 de la Constitution, que le Président a voulu modifier pour se représenter, planait déjà à l’époque.

Si l’insurrection de 2011 a fini par se calmer , elle aurait du être un avertissement pour Blaise Compaoré et son clan. Le Président se sentait alors protégé par la France mais la population n’avait pas désarmé.

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C’est pourquoi Lila Chouli parlait en 2012 de « trêve sociale et non d’une démobilisation ». Au fond, la rébellion actuelle n’est que la conséquence directe d’un mouvement social qui se structure depuis 1998, avec la « lutte contre l’impunité » consécutive à la mort de Norbert Zongo, et dont l’expression paroxystique a été le mouvement social de 2011, notamment grâce aux organisations syndicales, organisation de droits humains, etc. Celles-ci ont en effet permis à des révoltes spontanées, portées par les classes populaires, de mettre en discours leurs revendications.

Lila Chouli précise bien que la très forte mobilisation qui a lieu aujourd’hui aurait éclaté même si l’opposition politique n’avait pas appelé à manifester. « Elle était prévisible à partir du moment où Blaise Compaoré faisait fi de la volonté populaire de ne pas le voir se présenter à l’élection de 2015 », précise t-elle. Les manifestants qui ont protesté contre le régime de Blaise Compaoré restent méfiants à l’égard de la classe politique dans son ensemble, l’opposition comprise. Personne au Burkina Faso n’a en effet oublié que c’est cette même opposition, qui plus tôt, a fourni ses cadres au régime et lui a permis de se stabiliser.

Illustration - Burkina Faso : chute de Blaise Compaoré - Blaise Compaoré, le 26 juillet 2014  (AFP PHOTO/ SIA KAMBOU)

Le président Compaoré, au pouvoir depuis 1987 , avait toujours été très méfiant à l’égard du général en retraite Kaoumé Lougé, dont il connaissait la popularité au sein de l’armée. En 1999, suite à une mutinerie, l’ancien ministre de la Défense, limogé en 2003, avait déjà été appelé au pouvoir. Quelques heures avant l’annonce de la démission du président, les manifestants, massés sur la place de la Nation, devant l’état-major des armées, criaient notamment : « Blaise dégage ! » et « Kouamé Lougé, président ».

Monde
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