Génération crise

**Les enfants des pays riches, victimes collatérales de la crise de 2008. L’Unicef publie un rapport choc sur « Les enfants de la récession ».**

Pauline Graulle  • 28 octobre 2014
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Génération crise
© Photo: Une enfant revient d'une soupe populaire dans une banlieue populaire d'Athènes en février 2012 (LOUISA GOULIAMAKI / AFP).

On ne choisit pas sa famille, ni sa date de naissance. Et il ne fait pas bon naître, ou grandir, dans les années 2010. Dans un nouveau rapport publié aujourd’hui, l’Unicef décrit le triste sort des jeunes vivant dans les pays touchés par la récession démarrée en 2008 et considérée par l’ONG comme « l’une des pires crises économiques mondiales traversées depuis le début du 20ème siècle » .
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_ Depuis 2008, 2,6 millions d’enfants résidant majoritairement en Europe et aux Etats-Unis sont tombés sous le seuil de pauvreté. Piégés dans l’engrenage de la pauvreté, ceux-ci assistent « à la souffrance de leurs parents lorsque ceux-ci sont confrontés au chômage ou à une baisse significative de leurs revenus […], subissent affronts et humiliations devant leurs amis, […] essuient les conséquences de la modification de leur régime alimentaire, de l’abandon du sport, de la musique ou d’autres activités » .
_ Quant aux « grands » enfants de moins de 25 ans qui entrent sur le marché du travail, beaucoup doivent faire avec un taux de chômage inégalé depuis les années 1930. « La Grande récession est sur le point de plonger une génération de jeunes instruits et compétents dans les limbes d’attentes non satisfaites et dans une vulnérabilité durable » , avertit l’ONG. Avec les conséquences sociales et politiques qu’on imagine…
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_ ### Pathologie de l’austérité
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_ Dans 23 des 41 pays étudiés par l’Unicef, la pauvreté des enfants a augmenté. Particulièrement en Islande (où elle est passée de 11,2 % en 2008 à 31,6 % en 2012 !). Mais aussi en Grèce, deuxième pays le plus mal classé où, là encore, le nombre d’enfants pauvres a plus que doublé pour atteindre 40,5 %. La Grèce s’affiche aussi parmi les pays qui comptent le plus grand nombre d’enfants en « dénuement matériel sévère » , c’est-à-dire dont la famille n’arrive plus à payer son loyer, le chauffage, des vacances, certains aliments, comme la viande… L’Espagne, l’Italie, et le Royaume-Uni ont également connu des augmentations sans précédents d’enfants dans ce cas. Quant à la France, elle arrive 30e sur 41 pour ce qui concerne le taux de pauvreté des enfants : celui-ci a augmenté de trois points (de 15,6 % à 18,6 %), soit une augmentation nette de 440 000 enfants pauvres dans l’Hexagone.
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_ En 2013, l’Union européenne comptait près d’un million de jeunes sans emplois, ni formation, ni en étude, « soit 7,5 millions, équivalant à presque la totalité de la population de la Suisse » . En Croatie, à Chypre, en Grèce, en Italie et en Roumanie, ils sont les plus mal lotis, leur nombre ayant augmenté d’un tiers. La France se situe au 12e rang sur les 41 pays étudiés avec « seulement » 11,2 % de 15-24 ans qui ne sont ni scolarisés, ni en emploi ni en formation en 2013. Véritable « pathologie de l’austérité » , le chômage des jeunes a augmenté en flèche : « L’exemple de l’Espagne et de la Grèce est particulièrement frappant, note l’Unicef. Partant d’un niveau déjà élevé de plus de 20 %, le chômage des jeunes de 15 à 24 ans a dépassé 50 % en 2013 » . Tandis qu’en Italie, le chômage des jeunes a augmenté quatre fois plus que celui des 25-54 ans.
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_ ### Grand bond en arrière
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_ L’étude souligne aussi le retard de développement pris par ces pays où souffrent les jeunes générations, censées porter l’avenir. « Entre 2008 et 2012, les familles grecques ont perdu l’équivalent de 14 années de progrès ; l’Irlande, le Luxembourg et l’Espagne ont perdu une décennie entière ; et quatre autres nations ont perdu presque autant » . Et l’Unicef de conclure : « Des millions d’enfants auraient peut-être pu être aidés si certaines politiques de protection existantes avaient été plus solides et si elles avaient été renforcées pendant la récession » . Si l’on juge du niveau de civilisation d’une société à la manière dont elle traite ses enfants, nous, adultes, avons du souci à nous faire.

Société Économie
Temps de lecture : 3 minutes
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