Sivens : Un climat de défiance

François Hollande a promis la vérité sur la mort de Rémi Fraisse mais ne convainc ni la famille ni les manifestants contre les violences policières.

Lena Bjurström  • 13 novembre 2014 abonné·es

La « vérité » sur les circonstances de la mort de Rémi Fraisse, c’est ce à quoi se sont engagés le ministre de l’Intérieur, le Premier ministre et le président de la République. Des promesses qui peinent à convaincre la famille du jeune militant écologiste, tué par une grenade offensive lors d’une manifestation sur le chantier du barrage de Sivens, le 26 octobre. Et les interrogations des parents de Rémi Fraisse résument bien le climat de défiance qui s’est instauré vis-à-vis des autorités. « Pourquoi, alors que les militaires le voient expressément tomber à la suite de l’explosion de la grenade, que les circonstances de sa mort sont connues dès cet instant, la vérité sur la mort de notre enfant et frère n’a-t-elle pas été immédiatement révélée ? », demandaient-ils, par la voix de leur avocat, lors d’une conférence de presse le 6 novembre. Selon une enquête de Mediapart, le gouvernement aurait « immédiatement » connu la cause de la mort de Rémi Fraisse, et tenté, pendant quarante-huit heures, de « brouiller les pistes ». *« Pourquoi le préfet du Tarn a-t-il appelé à une extrême sévérité à l’égard des manifestants du barrage de Sivens ? »,* s’interroge la famille. « Pourquoi des militaires en si grand nombre et surarmés étaient présents en face du rassemblement pacifique  […] et pourquoi ces militaires  [ont-ils] délibérément jeté une grenade contenant exclusivement des explosifs ? » Près de 40 grenades offensives auraient été lancées par les gendarmes cette nuit-là, 23 d’après les déclarations du directeur général de la gendarmerie nationale, Denis Favier, au Parisien. Dans les médias, chaque bord tente de faire valoir son point de vue. Les « débordements de casseurs » des uns sont les « provocations policières » des autres. Une bataille d’opinion où s’affrontent la dénonciation et la justification de la « violence légitime » des forces de l’ordre, dont le bien-fondé n’a cessé d’être remis en cause par les manifestants qui battent le pavé depuis la mort de Rémi Fraisse.

Car deux semaines après les événements de Sivens, la mobilisation se poursuit. Plusieurs lycées parisiens étaient tout ou partiellement bloqués les 6 et 7 novembre. Des défilés ont été organisés dans plusieurs villes de France ce week-end, la plupart émaillés d’altercations avec la police. Au-delà de la mort de Rémi Fraisse, les manifestants dénonçaient les « violences policières » en général, la photo du jeune militant écologiste côtoyant parfois dans les cortèges celles de Zyed et Bouna, ces deux adolescents électrocutés lors d’une course-poursuite avec la police en 2005. « On est là pour Rémi Fraisse, mais aussi plus globalement pour manifester notre colère », expliquait un manifestant parisien, samedi, dénonçant « l’attitude des forces de l’ordre ». Certains défilés étaient interdits par les préfectures qui craignaient de possibles « violences » et des « dégradations », comme lors de précédents rassemblements en hommage à Rémi Fraisse. À Paris comme ailleurs, l’usage de gaz lacrymogènes et l’interpellation de plusieurs manifestants (17 gardes à vue à Toulouse) n’ont fait que renforcer l’indignation des militants, qui prévoient de nouveaux défilés dans les prochains jours.

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