À table ! (ou pas)

Voilà une question grave dont on se serait bien passé, à l’heure de la trêve des confiseurs : faut-il offrir À Table de Lécroart (éditions Lajouanie) avant ou après les agapes ?

Avant, c’est pas mal, parce que ça détendra franchement l’atmosphère (parfois nécessaire en famille). Mais faut pas que ça coupe les appétits. Après : ça peut créer des dissensions, côté cuisine.

Dessinateur de presse talentueux, Lécroart cherche la petite bête, au propre et au figuré, dans nos assiettes. D’un pinceau peu respectueux, il prend un plaisir gourmand à contaminer nos rituels de restauration par son esprit facétieux. Mais après tout, à l’heure de passer à la casserole, est-il de mauvais goût de suggérer la gaudriole, ou bien d’insinuer, par la scatologie, l’immuable terminus des mets ?

Jeux de mots, fines dérisions sur les contes et fables, renversements des rôles dans l’esprit d’un Gary Larson… il faut le rappeler, Lécroart est membre fondateur de l’Oubapo (Ouvroir de bande dessinée potentielle), comité créé en 1992 sur le modèle du fameux Oulipo de Queneau et Le Lionnais.

Là où leurs prédécesseurs trituraient les mots à cœur joie, Lécroart et les siens inventent d’ébouriffantes contraintes formelles pour tenter de les résoudre avec les petites cases dessinées et leurs bulles : palindromes substitutions, réinterprétation graphique, possibilité de lectures multiples, itérations, etc.

Et ceux qui l’ont croisé ne manqueront pas de repérer certaines des planches où l’auteur s’est personnellement mis à table dans ce petit ouvrage pétillant, à déguster ventre plein ou creux.

À table ! , Étienne Lécroart, ed. Lajouanie, 48 p., 9,95 euros
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