Les produits toxiques, c’est pas un cadeau

Le jouet éthique a le vent en poupe, poussé par des alertes concernant des incontournables, comme Sophie la girafe.

Ingrid Merckx  • 18 décembre 2014 abonné·es
Les produits toxiques, c’est pas un cadeau
© Photo : BARTROP / Image Source / AFP

Zibuletes. « Peluches en coton biologique, fabriquées en France, avec des teintures certifiées sans substances nocives pour la santé… » Le prototype « chien » s’affiche dans les « bons plans » recensés par Paris Mômes, supplément de Libération, en décembre. Sur le site éponyme, il est question d’un « savoir-faire français » de trente ans, d’un petit atelier breton et d’un label : Oeko-tex. Soit un système de contrôle et de certification indépendant pour les produits textiles, y compris les jouets, qui croise des critères portant sur des substances interdites (colorants cancérigènes), des substances réglementées (formaldéhyde, adoucissants, métaux lourds ou pentachlorophénol), des produits chimiques notoirement susceptibles de nuire à la santé (mais pas encore réglementés, comme les pesticides, les colorants allergisants ou les composés organiques de l’étain), et des paramètres pour la prévention en matière de santé comme la résistance des teintures et une valeur de pH dermophile. Depuis 1992, cette référence s’accroche sur une gamme croissante de jouets. Si Zibuletes compte parmi les bons plans de Noël 2014, c’est que le jouet bio ne relève plus du commerce de niche, ou de l’effet de genre bobo-écolo. Certes, il y a des comportements de classe : « Les classes populaires sont plus friandes de jouets sous licences, parce qu’elles les ont vus à la télévision ou dans des catalogues de grandes surfaces. Le magasin de jouets, les jouets en bois, c’est plus pour une clientèle de classes moyenne et aisée », observe Franck Aliane, du magasin Les Cousins d’Alice à Paris.

La tendance « jouet éthique » se confirme, poussée par des études alertant sur la toxicité de certains articles. En 2009, l’association 60 Millions de consommateurs en a publié une intitulée : « Trop de toxiques sous le sapin ». Elle avait trouvé des substances nocives dans 30 jouets testés sur 66. Des phtalates (comme le DEHP) dans des pochettes Hello Kitty, « licence très plébiscitée par les petites filles ». Et du formaldéhyde ou des métaux lourds dans des jouets en bois. En 2010, des tapis-puzzle en mousse étaient retirés du marché parce qu’ils contenaient du formamide (substance reprotoxique). En 2011, c’est Sophie la girafe que l’UFC-Que choisir clouait au pilori. Cette sorte de hochet qui couine et qu’on offre comme un incontournable contenait de la nitrosamine, produit interdit dans les jouets susceptibles d’être portés à la bouche. Depuis, Sophie se serait fait une nouvelle peau en caoutchouc naturel, les poupons bios ne naissent plus exclusivement sur les sites bios, et la consom’action s’étend au-delà des jouets militants vendus par l’Unicef, Artisans du monde ou le WWF. Articles fabriqués en France plutôt que « Made in China », en bois (non traité, non peint) plutôt qu’en plastique, ludo-éducatifs et écocitoyens, fonctionnant à l’énergie solaire, troqués ou « de seconde vie » (via les boutiques Emmaüs, les vide-greniers, les bourses aux jouets) et, pourquoi pas, faits maison. Dernier cri rejoignant le courant du « do it yourself » : maison de poupée ou fauteuil en carton recyclé, mangeoire pour oiseaux réalisée à partir d’un patron, moulin solaire à monter, etc.

Il y a les « ultras » qui emballeront des pompons en laine naturelle dans du papier de récup. Et les « concernés » qui s’assureront que la liste au père Noël n’exploite pas les petits lutins du Bangladesh. Autant soutenir un fabricant jurassien (comme Janod) plutôt qu’une grosse enseigne. Problème : une partie des jouets de ce type se commande plus facilement sur Internet. En passant par Amazon, on peut dégoter un mobilier entier de maison de poupées en bois non traité venu d’Allemagne pour une trentaine d’euros contre une chambre seule pour le même prix sous label « écolo » dans un magasin de quartier. C’est pourquoi le géant de la vente en ligne – qui réalise 70 % de son chiffre d’affaires pendant les fêtes – représente aujourd’hui la plus grosse concurrence pour les magasins spécialisés, contrairement aux grandes enseignes, qui n’ont pas la même clientèle. Quant à la très sérieuse Fédération des industries du jouet, elle ne fait pas mention de jouets bios ou écolos dans ses prévisions sur Noël 2014. Sans surprise : ce sont les industriels du jouet qui commandent les études sur les tendances annuelles. Moralité : pour des jouets « éthiques », autant privilégier l’achat direct, y compris sur Internet.

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