CGT : « La solution, c’est l’unité »

Alors que la CGT vit une crise existentielle, des militants de différentes centrales s’interrogent dans un livre sur les défis à relever. L’analyse de Patrick Brody et Hervé Le Fiblec.

Thierry Brun  • 29 janvier 2015 abonné·es

Face à la loi Macron en discussion à l’Assemblée nationale, la CGT apparaît affaiblie et divisée après l’affaire Lepaon. Cette crise est l’occasion pour une dizaine de syndicalistes d’ouvrir dans un livre le débat sur les causes du délitement du mouvement syndical [^2]. Deux d’entre eux, Patrick Brody, militant de la CGT-Commerce, et Hervé Le Fiblec, du Snes-FSU, réagissent sur l’avenir de la CGT et du syndicalisme.

La crise interne à de la CGT n’est-elle pas révélatrice des tensions au sein du syndicalisme ?

Patrick Brody : Notre ouvrage est cosigné par des militants CGT, CFDT, FSU, Unsa et CFTC. Il concerne tous les syndicalistes. La crise que traverse la CGT pose des questions plus fondamentales que de savoir qui est secrétaire général. À mon sens, l’échec de la mise en œuvre des orientations décidées depuis plusieurs congrès est la cause de cette crise, comme la modification du schéma organisationnel pour répondre à l’évolution du salariat, au syndicalisme rassemblé, etc. Dans beaucoup d’organisations, les problématiques à relever sont présentes dans les textes, mais leur mise en œuvre peut bousculer des situations acquises, des fonctionnements passés. Hervé Le Fiblec ≥ Quand la CGT va mal, c’est tout le syndicalisme qui se retrouve plus ou moins impuissant. C’est bien la preuve que la question de l’unité, et même de l’unification syndicale, est d’actualité. C’est l’une des pistes de sortie de crise.

Quels remèdes proposez-vous ?

P. B. : Quelques auteurs de l’ouvrage ont connu la crise de la CFDT de 1995 à 2003. Un nombre important de syndiqués sont partis écœurés et n’ont plus aucune activité syndicale. D’autres ont choisi la CGT en considérant qu’il faut rassembler, unifier le syndicalisme. Nous regrettons que les crises conduisent à la dispersion des forces. Notre pays a le plus grand nombre de syndicats et le plus petit nombre de syndiqués. Il est temps de faire le bilan de l’émiettement syndical. Se poser les questions du revendicatif, de l’unification, de la démocratie, de l’indépendance par rapport au politique et de la dimension européenne à l’heure de la mondialisation devient urgent.

H. Le F. : Mon organisation, la FSU, est née d’une de ces crises. Si elle a représenté un renouvellement du syndicalisme, elle se pose désormais beaucoup de questions sur son avenir. C’est la preuve que la division, même inévitable, n’est jamais une solution à long terme. L’émiettement ne résout pas les problèmes. Le syndicalisme gagnerait à ce que toutes les organisations, qui se posent les mêmes questions sur leur implantation et l’adaptation de leur ligne revendicative aux attentes réelles des salariés, puissent le faire en commun.

Quelles sont les convictions communes des auteurs ?

P. B. : Nous voulons progresser sur le rassemblement du syndicalisme à tous les niveaux. Joël Le Coq propose dans un ouvrage récent « un conseil national permanent du syndicalisme [^3] ». Nous suggérons d’y travailler dans les départements, les branches, etc. Notre livre est un moyen d’ouvrir des espaces de débat. Les contributions individuelles dans la seconde partie de l’ouvrage illustrent cette volonté.

H. Le F. : Que des militants d’organisations diverses arrivent à se réunir, à discuter, à élaborer ensemble un ouvrage comme le nôtre montre qu’il est toujours possible d’aller au-delà des divergences. Les problèmes sont partout identiques, même s’ils se déclinent différemment selon les secteurs, les entreprises, les services. C’est en confrontant ces différences qu’on pourra voir la similitude des aspirations des salariés et des militants syndicaux, et qu’on trouvera des réponses.

Que proposez-vous pour l’avenir du syndicalisme ?

H. Le F. : D’abord, il faut avancer sur l’unification. Des démarches communes ont déjà eu lieu, notamment entre la CGT, la FSU et Solidaires. Elles sont à élargir. Le spectacle que donnent des militants qui passent un certain temps à s’opposer, dans les élections professionnelles par exemple, ne fait pas très envie, alors que le but des syndicalistes, finalement, est de défendre les salariés, pas de s’affronter sur la meilleure façon de le faire !

P. B. : La financiarisation, les remises en cause du droit du travail avec la loi Macron, la précarité qui se développe, notamment dans la jeunesse, nécessitent des réponses. Le salariat a besoin plus que jamais d’un syndicalisme puissant, véritablement représentatif, qui se batte pour la transformation de la société et la justice sociale.

[^2]: Syndicalisme : cinq défis à relever, Syllepse, 2014.

[^3]: Joël Le Coq, ancien secrétaire général de la Fédération générale des transports et de l’équipement-CFDT, est l’un des auteurs de Nouveau siècle, nouveau syndicalisme, Syllepse, 2013.

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