CGT : l’ultime manœuvre de Lepaon

En voulant imposer sa propre équipe et son successeur, l’ultime manœuvre de Thierry Lepaon est vouée à l’échec lors du comité confédéral national extraordinaire de la CGT qui se tient aujourd’hui. En voici les raisons.

Thierry Brun  • 13 janvier 2015
Partager :
CGT : l’ultime manœuvre de Lepaon
© Photo : Thierry Lepaon, le 7 avril 2014. (PATRICK KOVARIK / AFP)

« Si on perd cette bagarre aujourd’hui, c’est grave pour l’avenir de la CGT » , prévient un cadre confédéral qui depuis le début des scandales autour du train de vie de Thierry Lepaon est un observateur attentif des manœuvres du secrétaire général de la CGT sortant. Il ajoute : « Martinez est cuit, il peut aller se rhabiller parce qu’il a marché dans la combine de Lepaon, ce que ne veulent pas les organisations » .

Ce cadre confédéral fait allusion à la journée décisive qui débute aujourd’hui au siège de la confédération et regrette que le comité confédéral national (CCN), parlement de la CGT, soit promis à une confrontation qui ne mettra pas fin à la crise interne dans la CGT et à son affaiblissement. Une situation en grande partie due à la volonté du secrétaire général sortant et de quelques dirigeants et ex-dirigeants « de prendre le contrôle de l’appareil » , relève une source confédérale.

Contraint à la démission mercredi dernier , après deux mois de polémiques sur son train de vie, le secrétaire général sortant Thierry Lepaon est en effet resté à la Commission exécutive et a gardé la main sur le choix de son successeur. Un groupe de travail a été mis en place par Thierry Lepaon et quelques proches, proposant lundi 12 janvier à la Commission exécutive (direction élargie de 56 membres) une nouvelle équipe dirigeante paritaire avec Philippe Martinez pour le poste de secrétaire général, un nom que certains membres du bureau confédéral, qui soutenaient Thierry Lepaon, ont présenté début décembre.

Lire > CGT : Thierry Lepaon est sur le départ

Dans cette ultime tentative, le secrétaire général sortant espérait ainsi garder la main en coulisse en plaçant au poste d’administrateur-trésorier de la confédération Colette Duynslaeger, secrétaire générale de la fédération des postes et télécoms, qui avait dénoncé une campagne de dénigrement orchestrée contre la CGT. Cette syndicaliste est proche de Michel Doneddu, un ancien de la fédération de l’énergie et des mines (FNME) et ex administrateur-trésorier de la confédération, qui agit en coulisse avec le soutien de quelques proches de Robert Hue et de conseillers habitués de la confédération et de l’Élysée.

Dans la liste de huit autres cégétistes pour former le nouveau bureau confédéral qui sera présenté au CCN de ce mardi 13 janvier, s’affichent Alain Alphon-Layre (union départementale du Gard), Christine Carlier (union départementale du Nord), Michèle Chay (commerce), battue lors des dernières élections dans la fédération, Pascal Debay (union départementale de Meurthe-et-Moselle), Virginie Gensel-Imbrecht (numéro un de la fédération de l’énergie) et compagne de Frédéric Imbrecht (ancien secrétaire général de la fédération), lui aussi dans la mouvance du mouvement de Robert Hue, Nathalie Metche-Nickles (services publics), Grégory Roux (cheminots), Philippe Texier (union départementale de Côte d’Or), nommé « coordinateur de la direction confédérale » par Thierry Lepaon, et un proche de Michel Doneddu.

« Une proposition inacceptable faite à la commission exécutive, complètement déconnectée de la base » , réagit une source confédérale contactée par Politis qui souligne le vote très serré en soirée à l’issue de la commission : 28 ont voté pour, 18 contre et 6 se sont abstenus. « 28 contre 24, c’est très serré, plus que lors des précédents votes à la commission. La proposition de Lepaon sera sans doute rejetée par le comité confédéral national, car il faut réunir la majorité des deux tiers. Doneddu voulait tordre le cou à cet article de nos statuts » .

Aucun des membres du bureau confédéral sortant (Eric Aubin, Marie-Laurence Bertrand, Sophie Binet, Eric Lafont, Philippe Lattaud, Agnès Le Bot, Thierry Lepaon, Valérie Lesage, Agnès Naton et Mohammed Oussedik) ne figure au sein de la nouvelle équipe. Un scénario souhaité par certains dirigeants de fédérations et ex-dirigeants de la confédération qui ne veulent pas qu’un certain nombre d’opposants à Thierry Lepaon quand les scandales ont éclaté, notamment Eric Aubin, qui fut candidat à la succession de Bernard Thibault, Sophie Binet, Valérie Lesage, Mohammed Oussedik, tirent profit de la crise.

Philippe Martinez sera donc sur la sellette pour la succession à Thierry Lepaon. Il peut certes compter sur le soutien de grosses fédérations, dont les voix sont prépondérantes au CCN, notamment la métallurgie, le secteur postes et télécoms, la santé, les cheminots, l’énergie. « Cela ne passera pas , prédit une source confédérale. Le rejet de cette dernière manœuvre de Lepaon devrait se traduire par la mise en place d’un commission de la commission exécutive et du comité confédéral national, qui fera fonctionner la CGT avant le prochain congrès » .

Lire > CGT : Lepaon jette l’éponge, mais pas tout de suite

Travail
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« La question du partage du travail fait son retour »
Entretien 20 mars 2024

« La question du partage du travail fait son retour »

Le sondage réalisé par l’Ifop pour Politis révèle qu’une très large majorité de Français seraient favorables à l’instauration de la semaine de 4 jours, à 32 heures payées 35 heures, dans le public comme dans le privé. Décryptage par Chloé Tegny, chargée d’études sénior de l’institut.
Par Michel Soudais
Mort au travail : pour Jemaa, l’interminable recherche de justice
Travail 20 mars 2024 abonné·es

Mort au travail : pour Jemaa, l’interminable recherche de justice

Jemaa Saad Bakouche a perdu son compagnon, victime d’un accident sur un chantier en 2019. Malgré plusieurs manquements soulevés par l’inspection du travail et la justice, le chef d’homicide involontaire n’a pas été retenu par les juges. Elle a décidé de se pourvoir en cassation.
Par Pierre Jequier-Zalc
« La semaine de 4 jours est possible et pleine d’avantages pour tous »
Entretien 20 mars 2024 abonné·es

« La semaine de 4 jours est possible et pleine d’avantages pour tous »

Député européen (Nouvelle Donne), Pierre Larrouturou est engagé depuis plus de trente ans en faveur des 32 heures payées 35. Il explique ici les raisons de cette conviction et répond aux critiques récurrentes contre une telle mesure.
Par Olivier Doubre
La semaine de 32 heures en 4 jours, l’idée que plébiscitent les Français
Enquête 20 mars 2024 abonné·es

La semaine de 32 heures en 4 jours, l’idée que plébiscitent les Français

Derrière la semaine de quatre jours se cachent, en réalité, de nombreux paramètres. Si elle ne s’accompagne pas d’une réduction du temps de travail, tout indique qu’elle s’avérerait une fausse bonne idée.
Par Pierre Jequier-Zalc