Le climat sous pression

Si rien ne change, nous émettrons 13 gigatonnes de CO2 de trop en 2020.

Geneviève Azam  • 8 janvier 2015 abonné·es

Après une fin de négociation marathon à la conférence de Lima sur le climat, un accord diplomatique a finalement été trouvé. On peut certes y lire, entre les lignes et sous la langue de bois, quelques « avancées ». Celles-ci ont été permises par le refus du G77 et de la Chine d’avaliser ce qui aurait été une régression totale, remettant en cause non seulement le protocole de Kyoto, mais aussi les principes de la Convention climat des Nations unies. Acquis majeur de Lima : les négociations peuvent continuer ! Avec toutes les interprétations possibles du contenu des « engagements volontaires » que les différents États doivent présenter pour établir l’accord de Paris en décembre 2015, c’est-à-dire avec tous les conflits qui se sont exprimés à Lima.

Faut-il se contenter d’atténuer le changement climatique ou faut-il s’engager sur l’adaptation à ce changement, comme le demandent les pays du Sud, souvent les plus exposés ? Les engagements de ces derniers doivent-ils se réaliser sans engagement ferme et concret des pays du Nord en matière de financement et de transferts de technologie ? Peut-on considérer, du fait des pays émergents, que le principe de « responsabilité commune et différenciée » est obsolète ? Comment vérifier la tenue des engagements ? Autant de questions, les mêmes qu’à Copenhague en 2009, restées en suspens et qui ont bien peu de chances de se résoudre en quelques mois. Et ceci d’autant plus que l’urgence climatique a quitté la table des négociations. Pourtant, le Giec avait recommandé de revoir à la hausse les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020. En effet, selon un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), si rien ne change, les pays de la planète vont émettre 13 gigatonnes de gaz à effet de serre équivalents CO2 de trop en 2020. Soit 57 gigatonnes au lieu de 44 gigatonnes de CO2 par rapport aux trajectoires acceptables pour conserver une chance raisonnable de ne pas dépasser les 2° C de réchauffement climatique maximal d’ici à la fin du siècle. Des recommandations passées aux oubliettes à Lima.

Alors que faire ? S’en remettre aux économistes qui ont trouvé la solution ? « Une avancée majeure à Paris serait de coordonner les actions de tarification du carbone pour progresser d’ici à 2020 vers un marché transcontinental du carbone », écrivent les plus écoutés en la matière [^2]. À supposer qu’on en admette le principe, pourquoi ce marché transcontinental aurait-il plus de chances de fonctionner que le marché européen ? Lequel s’avère plus adapté à distribuer de manière détournée des subventions publiques aux pollueurs qu’à faire émerger un prix dissuasif de la tonne de carbone. Le climat ne serait-il qu’une affaire de quantification et d’échange du carbone ? Par quel tour de magie, ou par quel coup de force, ce marché aplanirait-il les différends politiques et géostratégiques ? Il est des moments où les citoyens, déjà affectés par le changement climatique ou conscients des menaces, n’écoutent plus les marchands de solutions. C’est ce moment que nous avons à préparer pour la Conférence de Paris.

[^2]: Tribune parue dans le Monde du 10 décembre 2014, par Christian Gollier (TSE), Pierre-André Jouvet, Christian de Perthuis et Jean Tirole (TSE)

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