Grec et économiste


S’il y avait plus d’économistes comme Yanis Varoufakis, 
le monde irait mieux.

Jean Gadrey  • 26 février 2015 abonné·es

S’il y avait plus d’économistes comme Yanis Varoufakis, l’actuel ministre des Finances grec, le monde irait mieux. En 2014, il a publié un article en langue anglaise reprenant une communication universitaire de novembre 2013 à Bloomington, en Indiana. Yanis Varoufakis n’était alors « seulement » qu’un économiste de stature internationale.
À signaler aussi sa tribune du 16 février dans le New York Times, « No Time for Games in Europe ». On pourrait traduire ce titre ainsi : « En Europe, l’enjeu n’est pas un jeu au sens des économistes. » Varoufakis est un fin connaisseur et un brillant critique de la « théorie des jeux ».Voici l’introduction et l’épilogue d’un de ses articles de 2013, intitulé : « Être grec et économiste alors que la Grèce est en train de brûler ! ».
 « Cet article est une vision personnelle de ce paradoxe  [ être grec et économiste alors que la Grèce est en train de brûler], vécu par un économiste grec soumis par ailleurs à un autre paradoxe plus personnel : bien qu’il soit présenté par les médias comme un “expert”, il a toujours défendu l’idée que les économistes, indépendamment de leur intelligence ou de leur éthique personnelle, appartiennent à un clergé qui prêche des superstitions lourdement mathématisées et finement déguisées en “science économique”. »


Épilogue de l’article : « Il est temps de conclure mon récit de cette calamité particulière qui est d’être à la fois grec et économiste, à la fois anglo-celtique par ma formation et culturellement grec. Je n’ai pas trouvé de meilleur moyen de le faire qu’en citant deux sources, l’une en anglais, l’autre en grec. Je commence par un Anglais, un certain John Maynard Keynes, qui, en 1920, écrivait ces lignes prémonitoires : “Poussé par une folle illusion et un amour-propre téméraire, le peuple grec a annulé les fondations sur lesquelles nous avons tous vécu et construit. Mais les porte-parole de l’Union européenne ont couru le risque d’achever la ruine que la Grèce a commencée, par des accords de prêt qui, s’ils sont mis en œuvre, nuiront encore plus, au lieu de la restaurer, à l’organisation complexe et délicate, déjà ébranlée et brisée par la crise de 2008, qui pourrait seule permettre aux peuples européens de s’employer et de vivre.” »



 « Il ne s’agit pas, évidemment, des mots exacts de Keynes, mais presque. J’ai seulement remplacé Allemagne par Grèce, les alliés victorieux par l’Union européenne, le Traité de Versailles par les accords de prêt, et la guerre par la crise de 2008.* 
 Et maintenant une citation grecque, celle de George Seferis [prix Nobel de littérature en 1963]  : “Nous qui n’avons rien, nous allons leur apprendre la quiétude.” Comme je l’ai fait avec Keynes, je vais modifier la formulation : “Nous qui avons tout perdu, nous allons leur enseigner la rationalité.” Une phrase que je dédie aux Grecs et aux Européens qui s’obstinent stupidement à nier la voix des Grecs et le droit à l’isègoria [principe de la démocratie athénienne garantissant à tous les citoyens un accès libre et égal à la parole au sein de l’assemblée des citoyens] pour en finir avec la guerre que mène l’Europe contre la raison. » 

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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