David Bowie, rock collection

Déjà présentée à Londres en 2013, l’exposition David Bowie is, à la Philharmonie de Paris, réjouira le fan-club de la star. Mais elle vire au culte de la personnalité un brin étouffant.

Olivier Doubre  • 12 mars 2015 abonné·es
David Bowie, rock collection
David Bowie is , Philharmonie de Paris, jusqu’au 31 mai 2015. philharmoniede paris.fr
© FRANCK W. OCKENFELDS 3

Les fans seront ravis. Les cinquante ans de carrière de la rock star se prêtent à la grande rétrospective inaugurant les expositions à la Philharmonie de Paris, qui résume aussi un demi-siècle de pop culture. Tout comme la personnalité de David Bowie, soucieux à l’extrême non pas de son mais de ses images, entre confusion des genres, homoérotisme volontaire et construction d’une myriade de personnages au look sans cesse renouvelé, depuis le fabuleux Ziggy Stardust ou le Pierrot bleu d’ Ashes to Ashes .

Casque audio sur les oreilles, le visiteur entre dans l’univers multiforme de « David », différentes bandes sonores accompagnant sa progression visuelle d’un thème à l’autre, d’une salle à l’autre. Autour d’une interview de l’artiste racontant ses débuts de jeune rocker (il fut le leader, dans les années 1960, de pas moins de sept petits groupes), on (re)découvre Liza Jane, unique chanson enregistrée sous son vrai nom, David Jones, avec ses King Bees, pour un 45 tours en 1964. Il a 17 ans. Le succès n’est pas au rendez-vous, malgré le clin d’œil coquin à la Lady Jane de D.H. Lawrence, dont une édition de l’Amant de Lady Chatterley est exposée à côté d’autres livres ayant compté dans la jeunesse du chanteur. Sans suivre la chronologie, chaque salle traite d’un aspect du travail de Bowie, qui, dès ses premiers tubes, tient à tout contrôler, créant lui-même ou faisant appel à des plasticiens, photographes ou couturiers. Costumes, design des pochettes, scénographie de ses apparitions live, toujours attentif aux tendances nouvelles qu’il transforme à sa guise, Bowie se construit des personnages éclectiques entièrement imaginés et précurseurs, comme lorsqu’il adopte les cheveux rouges pour Aladdin Sane, en 1973, préfigurant le punk, ou qu’il donne au glam – ce style de « rock avec du rouge à lèvres » pour John Lennon – une forte ambiguïté sexuelle.

Tous les thèmes se déclinent à partir du titre de l’exposition David Bowie is… Après n’avoir été qu’un « visage dans la foule » (l’une des parties les plus intéressantes car la moins connue), on savoure la projection du très rock Starman, lors d’un des premiers passages télévisés, devenu légendaire, de Bowie en Ziggy, à l’émission Top of The Pops de la BBC en 1972. Dès lors, « David Bowie is not David Jones »  : il n’est plus un jeune Anglais mais « someone else » ( « quelqu’un d’autre » ), un humanoïde aux « nombreux masques ». Et il pourrait bien être cet « homme qui venait d’ailleurs », The Man Who Fell to Earth, titre du film réalisé en 1976 par Nicolas Roeg, où il interprète le premier rôle – avant d’apparaître dans une trentaine de longs métrages (Oshima, Linch, Scorsese…). Mais ces innombrables caractères sont aussi la cause d’un certain essoufflement de cette exposition de grande taille. Tout en se déplaçant, le visiteur apprécie l’arrivée dans ses oreilles d’une nouvelle chanson, adorée autrefois et peut-être oubliée. Mais, entre les écrans où défilent les images de la star, il doit admirer une série d’objets et documents, tous provenant du David Bowie Archive, puisque la rock star a tout conservé et soigneusement archivé. Jusqu’à l’étouffement (ou presque) devant ce qui ressemble à une sorte de culte de la personnalité. Comme lorsqu’on découvre – encadré et sous verre – le trousseau de clés de son appartement à Berlin, où il vécut de 1977 à 1979 (et où il enregistra les excellents albums Low, Heroes et Lodger ), aux côtés de son plan de métro usé de la capitale allemande… Pas sûr d’être fan à ce point.

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