« Révolution Zendj », de Tariq Teguia : Atlas des révolutions

Avec Révolution Zendj, Tariq Teguia étend son exploration des luttes autour de la Méditerranée.

Anaïs Heluin  • 12 mars 2015 abonné·es
« Révolution Zendj », de Tariq Teguia : Atlas des révolutions
Révolution Zendj , Tariq Teguia, 2 h 14.

Avec trois longs métrages, Tariq Teguia figure parmi les cinéastes les plus minimalistes et contemplatifs du monde arabe. Il est aussi en France l’un des plus estimés ; en témoigne la rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou [^2] à l’occasion de la sortie de Révolution Zendj. Un événement qui met en lumière la grande cohérence formelle et thématique d’un cinéma qui, depuis le court métrage Kech’mouvement ? (1993) et surtout Rome plutôt que vous (2006), s’attache aux luttes et aux lucioles telles que les définit Pasolini. Révolution Zendj poursuit l’ouverture géographique et historique amorcée dans Inland (2008), le deuxième long métrage de Tariq Teguia. Après les déambulations d’un jeune couple dans Alger et sa banlieue pendant la décennie noire, puis la fuite d’un topographe de l’Ouest algérien jusqu’en Afrique noire, le réalisateur filme un réseau de révoltes éparpillées aux quatre coins du monde méditerranéen.

Dans le sud de l’Algérie d’abord, où le personnage central – un journaliste homonyme du célèbre voyageur arabe Ibn Battuta (Fethi Ghares) – rencontre des jeunes gens engagés dans des affrontements communautaires. Très vite, ces derniers se revendiquent des Zendj, esclaves noirs qui, aux VIIIe et IXe siècles, se sont soulevés contre le califat abbasside en Irak. Commence alors un tour méditerranéen des révolutions, où des mouvements actuels côtoient ceux du passé. Première étape : Beyrouth. Aussi déserte et somnolente que tous les paysages urbains de Tariq Teguia, la capitale du Liban est pour le journaliste le lieu de rencontres importantes. Celle d’une jeune Palestinienne exilée en Grèce, Nahla (Diana Sabri) – nom de l’héroïne éponyme d’un film de Farouk Beloufa (1979) –, et de réfugiés palestiniens. Ibn Battuta finira par gagner l’Irak, qu’il rêvait comme source de toutes les révoltes et solution d’une quête identitaire à peine déguisée en investigation professionnelle.

Mais Tariq Teguia s’intéresse davantage aux réseaux qu’aux réponses. Révolution Zendj tisse des liens entre des révoltes, des êtres, des paysages et des films –  Ici et ailleurs (1974) de Godard, notamment. Entre des désirs de fuite, aussi, que Diana Sabri, avec sa formation de danseuse, contribue pour beaucoup à rendre plus expressifs que ceux des films précédents. Moins longs, les plans séquence laissent régulièrement place à des scènes de marche, de course ou de danse. Les corps et les mots disent l’impossible assignation à une frontière quelconque, aussi bien géographique que culturelle.

[^2]: Jusqu’au 15 mars. www.centrepompidou.fr

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes