Merci, Manuel Valls

Contre la rage anti-musulmane, nous pouvons compter sur l’intransigeance d’un homme…

Sébastien Fontenelle  • 2 avril 2015 abonné·es

M. Sarkozy est revenu. M. Sarkozy est plombé par tant d’affaires qu’on dirait M. Balkany, mais il est revenu, car il sait que ces choses-là ne dissuadent nullement son électorat, dont les rigueurs sécuritaires s’accommodent au mieux des indélicatesses – réelles ou supposées – de ses politicard(e)s préféré(e)s. M. Sarkozy, revenu, déclame qu’il n’apprécie pas du tout la Pen, daughter. Plus précisément : M. Sarkozy n’aime pas le timbre de voix de la boss e du FN, qui est selon lui le même que celui d’un « soudard ». Mais, par-delà cette aversion – où se voit qu’il a gardé le goût de maintenir le débat public à des hauteurs un peu hautes –, M. Sarkozy s’arrange assez bien de ce que dit et profère cette voix qui l’insupporte. Il s’en arrange même si bien que lui-même dit et profère les mêmes vilenies – à ceci près, naturellement, qu’il y met (parfois) moins de retenue encore que la fille du Pen.

Ainsi, M. Sarkozy – profitant de ce qu’en de tels cas les contempteurs maniaques de « l’antisémitisme des banlieues » sont occupés ailleurs, et ne s’offusquent donc jamais de ce qu’il excrète publiquement ces incitations au vivre-pas-ensemble, et doublant par sa droite l’extrême droite péniste (qui pense itou mais ne l’énonce pas toujours si décomplexément) – a (notamment) proclamé, dans le cours de la campagne qui a précédé les élections départementales (CQAPLÉD), et entre deux hymnes à la France « chrétienne », qu’il était, petit un, pour la suppression dans les cantines scolaires des repas de substitution qui permettent aux élèves des confessions juive et musulmane de ne pas crever la dalle pendant que leurs petit(e)s camarades mâchouillent du halouf, puis, petit deux, pour l’interdiction du port du foulard dans les universités, parce que bon, le « communautarisme musulman », ça commence vraiment à bien faire, je suis comme vous, mon bon Dupont, j’en ai ras les talonnettes de trouver de la harissa dans mon campus.

Rien n’est neuf dans cette façon de faire : M. Sarkozy s’est de très (très) longue date spécialisé – au prétexte faux-derchissime de réintégrer ses électeurs dans le giron de « la République »  – dans la flatterie frénétique des mêmes dégueulasses phobies collectives où le Front national ensocle sa démagogie – et tout cela pue très (très) fort… Mais, par chance, nous pouvons compter, pour nous remparter [^2] contre cette constante banalisation, dans l’extrême droite plurielle, de la rage anti-musulmane, sur l’intransigeance d’un homme qui n’a eu de cesse, dans la CQAPLÉD, de crier que no pasar aient : Manuel Valls, bien sûr – le même, oui, qui aime à considérer, dans le cadre exigeant de son inlassable combat antifa (et entre deux appels à secourir « l’investissement privé » ), qu’il n’est pas complètement acquis que l’islam soit compatible avec la démocratie. Et c’est heureux, car, sans cela, les droites haineuses, balayant leur(s) opposition(s), l’emporteraient (presque) partout dans les élections locales – perspective si terriblement flippante que je préfère ne pas même l’imaginer. Merci, donc, Manuel Valls, de nous éviter cette épreuve. 

[^2]: Remparter : faire rempart.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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