Brésil : La bourse pour la vie

Au Brésil, le programme d’aide monétaire Bolsa família a sorti plus de 40 millions de personnes de la grande pauvreté.

Patrick Piro  • 3 juin 2015 abonné·es
Brésil : La bourse pour la vie
© Photo : AFP PHOTO / VANDERLEI ALMEIDA

La réussite du programme brésilien Bolsa família (Bourse famille) est si flagrante que les Nations unies l’ont adopté comme référence parmi les mesures qu’elles préconisent pour la réduction de la pauvreté dans le monde. Lancé en 2003 sous la présidence de Lula, Bolsa família consiste en l’attribution d’une aide mensuelle aux familles les plus pauvres, d’un montant d’une soixantaine d’euros en moyenne par foyer (la moitié d’un Smic local), ajusté selon la situation. Sept ans plus tard, le programme, objet de bonnes évaluations, avait bénéficié à 11,2 millions de familles – soit environ 44 millions de personnes [^2]. Pour un budget représentant 0,5 % du PIB et 2,5 % des dépenses publiques (2006), Bolsa família a contribué pour 16 % au recul de l’extrême pauvreté et entre 20 % et 25 % à la réduction des inégalités, dans un pays qui en était un champion mondial. Les sommes attribuées ont permis de faire reculer la faim, au point que la mendicité alimentaire a pratiquement disparu dans certaines villes du Nordeste.

Bolsa família n’est pas à proprement parler un revenu d’existence, car son attribution est soumise à des critères : pour en bénéficier, les familles doivent être inscrites aux guichets d’aide sociale de leur municipalité, auxquels sont admises celles dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil. Par ailleurs, elles doivent s’engager à faire vacciner leurs enfants ainsi qu’à les envoyer à l’école. Il s’agit cependant d’obligations supposées accroître les chances des familles de sortir de la pauvreté – ce que vérifient les études. Programme de transfert monétaire, donc, mais dont les impacts positifs – et semble-t-il durables – apportent un démenti aux critiques initiales dénonçant « une mesure d’assistance de plus ». Par ailleurs, les objectifs sociaux affichés ne sont guère éloignés des ambitions portées par les partisans du revenu universel. Au Brésil, le choc de la crise alimentaire de 2008 a été atténué grâce à Bolsa família, dont les versements ont augmenté pendant la période.

Par ailleurs, l’expérience brésilienne a apporté des enseignements intéressants sur les facteurs de réussite d’une redistribution de cette ampleur. Un mécanisme simple : il existait auparavant plusieurs types d’aides pour les plus démunis, Bolsa família les a regroupés. Un circuit court : les différents étages du système fédéral brésilien ont été court-circuités par l’attribution directe des fonds aux communes, éliminant en grande partie le trafic du clientélisme. La bonne cible : ce sont les femmes qui reçoivent la carte Bolsa família permettant de retirer la bourse mensuelle, les expériences précédentes ayant montré que le « chef » de famille, jusque-là privilégié, avait trop souvent tendance à évaporer au bar une partie de la somme avant de rentrer à la maison. Alors que les femmes donnent massivement priorité à l’alimentation des enfants et aux besoins de base du foyer.

[^2]: Outre les statistiques brésiliennes, des équipes internationales ont étudié le cas, dont certains résultats sont synthétisés dans le rapport 2014 du Pnud sur le développement humain.

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