Congrès du PS: L’image factice d’une unité impossible

Derrière l’illusion du rassemblement, la politique du gouvernement divise toujours les socialistes.

Michel Soudais  • 10 juin 2015 abonné·es
Congrès du PS: L’image factice d’une unité impossible
© Photo : Laurent Baumel par Michel Soudais

À la fin, tout le monde s’embrasse et se congratule. Le 77e congrès du Parti socialiste à Poitiers aura respecté ce rituel, celui de tout congrès. Mais sur la photo finale des dirigeants socialistes satisfaits, une rose en main, la « famille » socialiste était loin d’être rassemblée. Si Karine Berger et les premiers signataires de « La fabrique » (motion D, 9,5 %), tout comme Florence Augier, porte-parole de la motion C (2 %), avaient rejoint Jean-Christophe Cambadélis et Manuel Valls sur l’estrade, ni Christian Paul, ni Emmanuel Maurel, ni Benoît Hamon, ni Marie-Noëlle Lienemann, ni aucun de ceux qu’on appelle les frondeurs de la motion B (28,5 %) n’a voulu apparaître comme étant de ce rassemblement. « On est face à une communication de la direction disant “ça y est on est rassemblés, tous derrière François Hollande et Manuel Valls, on est en ordre de bataille pour 2017”. Ce n’est pas si simple », a expliqué le député Laurent Baumel. Justifiant le choix « symbolique » de ne pas être sur la photo, ce représentant de la motion B a indiqué que les frondeurs ont ainsi voulu montrer qu’ils « ne baissent pas la garde ». « Dans les groupes parlementaires, on ne va pas se contenter d’être des béni-oui-oui », prévenait également la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann. Car derrière la bataille d’image, les divergences de fond demeurent. « Aujourd’hui, il y a deux orientations dans la gauche de gouvernement », avait rappelé samedi matin Christian Paul. Deux orientations qui cohabitent encore, mais qui n’ont pu concilier leurs points de vue.

Sur l’Europe d’abord. Vendredi, l’aile gauche a refusé de s’associer à une résolution destinée à être portée par la délégation française au congrès du Parti socialiste européen (PSE), lequel se tient cette fin de semaine à Budapest. Cette résolution insipide, qui affirme que « le projet social-démocrate vise à renforcer l’Union économique et monétaire, tout en mettant en œuvre une Europe sociale protectrice », ne comportait que deux très vagues allusions à ce que les frondeurs considèrent comme les deux problèmes de l’heure : la Grèce et le projet d’accord de libre-échange transatlantique (Tafta). Le texte se contente d’affirmer qu’ « aucun accord commercial ne saurait remettre en question les avancées sociales ni instaurer des mécanismes d’arbitrage privés entre États et entreprises ». Mais à la tribune, Pervenche Béres, la présidente de la délégation française au Parlement européen, qui menait les débats, avouait ne pouvoir se résoudre à « voter non au Tafta ». Quant à Jean-Christophe Cambadélis, son opposition à cet accord ne vaut qu’ « à cette étape », alors que l’aile gauche le refuse par principe.

Sur la politique du gouvernement ensuite. L’aile gauche a refusé de signer dimanche une « Adresse au peuple de France » appelant à la nécessité de « réformer et de rassembler, mais aussi d’ajuster notre politique à la nouvelle période ». Un document « totalement creux », selon Christian Paul. Cette adresse qui appelle à « renforcer la compétitivité des entreprises  » se contente de préciser que «   cette stratégie, pour être pleinement efficace, a aussi besoin de compléments, d’ajustements, d’enrichissements ». Mais elle ne reprend aucune des demandes d’inflexion de la politique gouvernementale contenues dans toutes les motions (remise en cause des 15 milliards du pacte de responsabilité, baisse des taux de la CSG dès 2016), a critiqué Laurent Baumel à la tribune. Signe du désintérêt de l’exécutif pour ces critiques pendant l’intervention de ce contestataire, Manuel Valls avait quitté sa place au premier rang pour improviser une petite conversation en « off » avec les journalistes, détournant l’attention de ces derniers.

La veille, le Premier ministre avait pourtant affirmé que « le gouvernement est attentif, à l’écoute de ce qui se dit dans le parti ». Manuel Valls s’était fait rassembleur. Donnant des gages de socialisme, faisant applaudir le président de la République et plusieurs de ses ministres, il avait défendu son bilan en évitant soigneusement les sujets qui fâchent. Il avait été très applaudi, mais nombre de militants de l’aile gauche avaient préféré quitter la salle, refusant de s’ « infliger ça ». Le congrès « n’a pas éteint le débat sur les choix économiques et budgétaires à gauche », avertit Christian Paul dans un entretien au Figaro (9 juin). Il ressurgit déjà avec le retour de la loi Macron à l’Assemblée nationale, et l’annonce par Manuel Valls d’un plafonnement des indemnités prud’homales pour licenciement abusif. Pour Christian Paul, cette mesure constitue « une faute grave et même une brûlure ineffaçable jusqu’en 2017 ».

Politique
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