Le FN s’essaye à la culture

Le parti de Marine Le Pen lançait mardi un collectif pour investir un terrain sur lequel il est surtout connu pour son obscurantisme.

Erwan Manac'h  • 3 juin 2015 abonné·es
Le FN s’essaye à la culture
© Photo : AFP PHOTO / DOMINIQUE FAGET

Le Front national poursuit sa tentative de toilettage. Après les profs, l’écologie, les étudiants, il cible désormais le monde de la culture. Le 2 juin, il lançait, lors d’une conférence de presse, le collectif « Culture, liberté, création ». La méthode a été imaginée par Marine Le Pen : le groupe de réflexion est rattaché au « Rassemblement bleu Marine », branche du parti montée pour remiser au second plan l’étiquette FN et mettre en avant des figures nouvelles. En préparation depuis décembre 2014, ce lancement n’a pas atteint tous ses objectifs en matière de communication. Parmi les people, seule Brigitte Bardot a accepté d’associer son nom au « collectif ».

Maître de cérémonie : Sébastien Chenu, transfuge de l’UMP à l’ambition pressante, assisté de 3 jeunes « intellectuels » (ils ont fait des études). Cet ancien conseiller national du parti de Nicolas Sarkozy, cofondateur de Gaylib, une association de défense des droits des homosexuels favorable au mariage pour tous, est arrivé au FN après deux échecs aux cantonales à Beauvais et le refus de Nathalie Kosciusko-Morizet de lui offrir la tête de liste à la mairie du IIe arrondissement de Paris. Il parle de « liberté de création », sans que celle-ci atteigne les élus locaux FN qui se sont toujours distingués par leur inclination à la censure, de l’encadrement des fonds d’ouvrages des bibliothèques d’Orange en 1995 à l’annulation d’un festival techno par le maire FN de Luc-en-Provence (Var) en 2014. Son désir de « liberté » concerne ces auteurs qui bousculent la « bien-pensance  » et le « totalitarisme de la pensée » : Finkielkraut, Houellebecq, Zemmour, d’Ormesson et Onfray. Ces soldats de la « bataille intellectuelle et culturelle » qui est en passe, dit-il, d’être gagnée. « La culture participe au fait politique. Nous incarnons un engagement patriotique fort », ajoute Gabriel Robin, secrétaire général du collectif et contributeur du site Boulevard Voltaire, lancé en 2012 par Robert Ménard. Il peine d’ailleurs à réfréner ses élans normatifs, sinon répressifs : « Nous serons un rempart contre la déculturation générale de la société française », face à la « véritable inversion » à l’œuvre selon lui depuis vingt ans : « La transgression est devenue la norme, à l’image de l’érection d’un plug anal géant place Vendôme », en référence à l’arbre de Noël polémique installé en octobre 2014 par le plasticien Paul McCarthy.

Quant aux priorités frontistes en matière de culture, elles restent inchangées. La promotion de la tradition, ou de « l’exception culturelle », autre nom selon Sébastien Chenu de la « préférence nationale » défendue par le FN. Marine Le Pen dénonce « le mondialisme et le multiculturalisme », consacrés selon elle par le traité transatlantique et la diffusion de la « novlangue » jusque dans nos dictionnaires. C’est une culture de combat idéologique, patriotique et identitaire que veulent sanctuariser les « purs intellectuels » qui composent le collectif. En la matière, la « dédiabolisation » reste toute relative…

Politique
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