Michel Onfray En haine de l’islam

Patrick Piro  • 10 juin 2015 abonné·es
Michel Onfray En haine de l’islam
© Photo : FP PHOTO / KENZO TRIBOUILLARD

Chercher des poux réacs dans la tête de Michel Onfray ? Le philosophe, de fière extraction normande, brocarde certes les préciosités des salons parisiens : Bernard Henri-Lévy est l’une de ses têtes de Turc, c’est un quasi-brevet de respectabilité au sein du peuple de gauche. Mais quand même : ses détracteurs (de gauche) détectent un franc-parler facilement cassant, un iconoclasme excessivement touche-à-tout, des vérités assénées pour une légitimité auto-proclamée. En 2010, le brûlot de Michel Onfray sur Freud fait s’étrangler l’historienne Élisabeth Roudinesco, qui voit l’inventeur de la psychanalyse décrit comme «   abuseur sexuel, homophobe, phallocrate, faussaire, avide d’argent   ». Athée fervent, Onfray instrumentaliserait le judaïsme de Freud pour éreinter l’un de ces «   monothéismes mortifères précurseurs des régimes totalitaires   », estime-t-elle. C’est ensuite la philosophe Sandra Laugier qui canonne Onfray –  «   réactionnaire, sexiste et nationaliste »  – pour avoir traité par le mépris l’approche politico-féministe du «  care  » de l’états-unienne Carol Gilligan : Onfray s’exonérerait d’un débat sur les importants travaux « de genre », presque ignorés en France. Il récidivera, ralliant les arguments de la droite conservatrice, en regrettant qu’ «   aujourd’hui, à l’école, on apprenne le tri des déchets ou la théorie du genre [^2] » .

Mais Onfray, en dépit d’une popularité médiatique qui agace, était jusque-là protégé par son acte de bravoure : une démission de l’Éducation nationale pour fonder, en 2002, son Université populaire à Caen, conçue en réaction au choc de l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle. Politiquement engagé, il s’éloigne de Besancenot et de Mélenchon mais pilonne le glissement droitier du PS et du gouvernement. L’image du philosophe bascule plus nettement après les attentats de janvier 2015. En mars, Manuel Valls l’accuse de «   perdre ses repères   », parce qu’il explique préférer «   une idée juste d’Alain de Benoist à une idée fausse de Bernard-Henri Lévy   ». Idée décrétée « juste » par lui-même ? Illustration quand Onfray, fustigeant une bien-pensance de gauche, voit confortée par les attentats sa vieille conviction que l’islam est une religion tribale, misogyne et phallocrate, «   intrinsèquement incompatible avec l’Occident   », ce que «   toute intelligence bien faite devrait affirmer haut et clair [^3] ». D’ailleurs, il a recensé dans le Coran 250 sourates justifiant le jihad… Et puis, c’est moins notoire, Onfray flirte avec le techno-scientisme. «   Les peurs dues au transgénisme ressemblent à s’y méprendre à celles qui accompagnèrent la naissance de l’électricité ou du chemin de fer, voire de l’énergie nucléaire   », écrit-il, brocardant une «   nouvelle religion verte [^4] ». Stéphane Lhomme, vigilant militant antinucléaire, s’excusait presque, l’an dernier, de l’avoir découvert pro-atome avec retard. L’icône de l’éducation populaire n’est plus protégée par son auréole. Patrick Piro

[^2]: L’Express, 12 septembre 2014.

[^3]: Préface de l’Impasse islamique, Hamid Zanaz (2009).

[^4]: Féeries anatomiques (2003).

Publié dans le dossier
Enquête sur les réacs de gauche
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