Grèce : dissonances au sein de la troïka ?

Le FMI déclare que le paiement de la dette est hors de portée.

Gérard Duménil  • 26 août 2015 abonné·es

Dans une chronique récente [^2], convaincu que la dette grecque était impossible à rembourser, je posais cette question : « La Banque centrale européenne (BCE) sauvera-t-elle la Grèce dans l’euro ? » et je répondais que seule la volonté de le faire manquait. Aujourd’hui, l’apparente dissonance entre le Fonds monétaire international (FMI) et l’Europe me frappe. L’Europe continue de négocier des « réformes », feignant de croire aux vertus curatives de l’austérité, alors que le FMI déclare ouvertement que le paiement de la dette est hors de portée.

On lit ainsi, dans un des récents rapports du FMI [^3] : « La détérioration spectaculaire de la soutenabilité de la dette signale le besoin d’aides à une échelle allant bien au-delà ce qui a été envisagé jusqu’alors – et ce qui a été proposé par le Mécanisme européen de stabilité (MES). Si l’Europe préfère fournir un nouveau soutien par prolongation de la maturité de la dette, il devra s’agir d’une extension très spectaculaire, avec un délai de grâce de, disons, 30 ans […], y compris de nouvelles aides. » Et, un peu plus loin, le rapport fait mention « de profondes coupes directes ».

Le FMI dit à l’Europe : étendez le moratoire et annulez une partie de la dette (ce que la BCE doit faire). Le dosage est le vôtre (pas le nôtre) ! Le 14 août, l’Europe décide un nouveau plan de 86 milliards d’euros rendant le remboursement encore plus improbable, ce que répète le FMI en revenant sur la nécessité des annulations.

Je ne crois ni à la volonté européenne de sauver la Grèce dans l’euro (sinon ce serait déjà fait) ni à la conviction affichée de la solvabilité d’une Grèce « mise au pas ». Les fonds de stabilisation (qui empruntent sur les marchés financiers avec la garantie des États) avaient une fonction, peut-être une seule : annuler les pertes qu’un défaut grec occasionnerait aux créanciers. La crise bancaire fut gérée par anticipation ! Le schéma ci-dessous décrit les créances des banques françaises sur la Grèce : entrée massive en vue de profiter du pactole des hauts taux d’intérêt, sortie soudaine avec la création des fonds de stabilisation depuis 2010, enfin repos du guerrier loin du (futur) champ de bataille.

[^2]: Du 9 avril 2015.

[^3]: Publié le 14 juillet 2015.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 2 minutes