Allemagne : Les Grünen attaquent le gouvernement

Le scandale des tests antipollution truqués devient une affaire politique. Correspondance à Berlin, Rachel Knaebel.

Rachel Knaebel  • 30 septembre 2015 abonné·es
Allemagne : Les Grünen attaquent le gouvernement
© Photo : STRATENSCHULTE/dpa Picture-Alliance/AFP

Avec 11 millions de véhicules concernés dans le monde, dont au moins 2,8 millions en Allemagne, le scandale des tests antipollution faussés par Volkswagen sur ses véhicules diesel a pris une ampleur inédite. Il touche le plus grand constructeur automobile d’Europe et l’un des fleurons de l’économie allemande. Avec Volkswagen, c’est toute l’industrie automobile nationale qui se retrouve dans l’œil du cyclone. Même le groupe Bosch, qui produit, entre autres, de l’équipement automobile et de l’électroménager, est pris dans la tornade : il a fourni à Volkswagen du matériel mis en cause dans les manipulations. La réputation du «  made in Germany  » est touchée de plein fouet. Et avec elle, des millions d’emplois. « Les gaz d’échappement tuent. C’est pour ça qu’il y a des limites d’émissions. Si nous ne faisons pas ce qu’il faut pour que l’industrie respecte ces normes, alors, l’industrie va détruire nos emplois », avertissait le député Die Linke Herbert Behrens devant le Bundestag le 25 septembre. Volkswagen emploie 270 000 personnes en Allemagne. L’ensemble de l’industrie automobile allemande représente 775 000 emplois. Et a engrangé l’année dernière plus de 360 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont plus de 230 milliards à l’export.

L’enjeu est tout autant économique qu’environnemental. Et il n’a pas fallu longtemps avant que le gouvernement lui-même soit mis en accusation, suite à la procédure ouverte contre Volkswagen par l’autorité états-unienne de protection de l’environnement. « Nous avons toujours craint que les constructeurs automobiles aient optimisé leurs véhicules pour leur faire passer les tests antipollution », a déclaré le chef du groupe des Grünen au Bundestag, Anton Hofreiter. Les Verts allemands reprochent au ministre des Transports, Alexander Dobrindt (qui appartient au parti de droite bavarois CSU), d’être au courant du problème depuis des mois. « Depuis l’automne dernier, le ministère avait des éléments indiquant que les valeurs d’oxyde d’azote autorisées étaient largement dépassées », a assuré le député Vert, qui demande que « tous les véhicules diesel qui roulent en Allemagne soient testés une nouvelle fois ». Il veut aussi « une explication des constructeurs allemands sur la manière dont ils comptent réparer les dégâts que ce scandale a provoqués pour l’image d’une industrie essentielle pour le pays ». Le ministère des Transports a contesté les attaques, assurant qu’il avait découvert l’existence des manipulations dans la presse. Il s’est aussi empressé de mettre en place une commission d’enquête. Mais des accusations similaires sont venues des ONG environnementales allemandes. Ainsi, pour l’association Bund (branche allemande des Amis de la Terre), « le scandale de Volkswagen n’est que le sommet de l’iceberg ». «   On sait depuis des années que les chiffres officiels de consommation de carburant et d’émissions de CO2 donnés par l’industrie automobile diffèrent significativement des valeurs réelles constatées sur les routes », explique l’ONG.

L’association met en cause les procédures « irréalistes » de mesure avec lesquelles les constructeurs établissent les valeurs ; il s’agit de conditions optimales, en laboratoire, pas de situations de conduite réelle. « Les révélations autour de la fraude de Volkswagen aux États-Unis montrent que l’industrie n’utilise pas seulement ce type de moyens légaux et semi-légaux, mais pratique aussi la manipulation systématique », poursuit-elle. Et elle affirme, elle aussi, que le gouvernement allemand sait depuis près d’un an que les véhicules diesel dépassent en fait largement les normes d’émissions d’oxyde d’azote en vigueur. L’ONG Deutsche Umwelthilfe a même annoncé disposer d’éléments concrets qui accusent d’autres grands constructeurs automobiles allemands. De quoi ébranler un peu plus le secteur. Est-ce assez pour remettre en question le recours au diesel dans un pays qui a un parc de plus de 13 millions de véhicules roulant avec ce carburant ? En France, où le diesel est encore bien plus dominant, EELV en a demandé l’interdiction après les révélations des manipulations de Volkswagen. Les Verts allemands ne sont pas allés jusque-là. Mais l’ampleur du scandale pourrait tout de même faire évoluer les stratégies de transport dans le pays. Comme lorsque le député social-démocrate Arno Klare lance au Bundestag : « Il faut utiliser cette crise comme une chance pour décarboner notre mobilité. »

Écologie
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