Espagne : Le défi catalan

Après leur nette victoire aux élections régionales, les indépendantistes espèrent enclencher le processus séparatiste.

Denis Sieffert  • 30 septembre 2015 abonné·es

Ils étaient près de deux mille, dimanche soir, sur la place de Barcelone qui fait face à l’ancien marché couvert du Born, à danser et à chanter pour célébrer la victoire du camp séparatiste catalan. Auparavant, plusieurs orateurs s’étaient succédé, dont le président régional sortant, l’indépendantiste de droite Artur Mas. Ce n’est pourtant qu’une demi-victoire pour le camp séparatiste, qui a bien obtenu la majorité absolue au parlement régional, avec 72 sièges sur 135, mais n’a recueilli que 47,8 % des suffrages. Ce qui n’a pas empêché Artur Mas et son allié, Oriol Junqueras, leader de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), de juger désormais « légitime » le processus indépendantiste. Le chef du gouvernement espagnol, de droite, Mariano Rajoy, est évidemment d’un avis opposé. Il a estimé que « la majorité de la Catalogne a rejeté l’indépendance ». De son côté, Pablo Iglesias, le leader de Podemos, s’est étonné des manifestations de dimanche soir : « Je ne comprends pas la joie, les rires et les célébrations de certains après des résultats qui laissent la Catalogne et l’Espagne dans une situation très difficile, une voie sans issue. » Podemos n’a remporté que 11 sièges dans une élection très difficile pour le parti de la gauche radicale, mal à l’aise avec la question indépendantiste.

Il est vrai que celle-ci couvre une grande ambiguïté . Si la revendication indépendantiste traduit la forte identité culturelle de la Catalogne, elle est aujourd’hui surtout instrumentalisée pour des raisons économiques. La Catalogne est la région la plus riche d’Espagne, contribuant à hauteur de 18,9 % au PIB du pays. Et un quart des exportations partent de Catalogne. Elle est aussi la première destination touristique du pays. Les indépendantistes estiment que l’appartenance de la région à l’État lui coûte plus qu’elle ne lui rapporte. C’est donc surtout le refus d’une région riche de payer pour des régions pauvres qui motive le camp séparatiste. Par ailleurs, la rupture avec Madrid entraînerait la rupture avec l’Europe, comme l’a réaffirmé Bruxelles. Une menace qui ne fait pas peur aux indépendantistes, partisans d’un système dans lequel les régions seraient directement rattachées à l’Europe. Une Europe sans États, en quelque sorte.

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