Olivier Bianchi : « Accueillir les réfugiés est un choix de valeurs »

Alors que certains maires disent ne pas pouvoir accueillir de réfugiés, d’autres, en revanche, en font une question de principe.

Ingrid Merckx  • 16 septembre 2015 abonné·es

Le 12 septembre, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a convié les maires de France à une réunion pour organiser l’accueil des réfugiés, annonçant 1 000 euros d’aide par place créée. La réaction d’Olivier Bianchi, maire socialiste de Clermont-Ferrand, un des premiers à s’être porté candidat pour accueillir des réfugiés avec Paris, Rouen, Lille, Dijon, Strasbourg…

La réunion organisée par Bernard Cazeneuve a-t-elle répondu à vos attentes ?

Olivier Bianchi : Nous, maires, avons d’abord été approchés par les préfets et nous nous occupons de coordonner les bailleurs sociaux, les écoles, les associations… Pour le reste, c’est le ministère de l’Intérieur qui pilote, avec une vraie volonté d’accompagnement.

Vous faites partie des premiers maires à s’être portés candidats…

Ça n’était pas une réaction d’émotion : j’ai pris cette décision mi-juillet, quand le préfet du Puy-de-Dôme m’a demandé si je souhaitais participer à l’accueil. C’est un choix de valeurs : la France est une terre d’hospitalité pour moi, arrière-petit-fils d’immigrés. La lepénisation des esprits mélange tout : réfugiés, délinquants, jihadistes, Daech… L’islamophobie flambe sur les réseaux sociaux. Face à cela, la France doit continuer à être un phare international en matière de fraternité.

Comprenez-vous les réticences d’autres maires ?

Je n’admets pas que certains disent ne vouloir accueillir que des chrétiens ou que d’autres invoquent les files d’attente pour une pièce de plus dans le parc du logement social. Les familles syriennes ne cherchent pas le confort mais la survie. Elles sont dans une situation d’urgence qui implique de hiérarchiser les décisions. Cela dit, à Clermont, les sept familles arrivantes ne seront pas logées dans les quartiers nord, qui concentrent un certain nombre de difficultés économiques et sociales, mais dans des quartiers où la situation est moins tendue.

Ne redoutez-vous pas une forme de concurrence des pauvres ?

La lepénisation des esprits a gangrené les couches populaires… C’est à nous de leur expliquer que nous travaillons autant pour elles. Lors d’une fête d’un quartier populaire, de nombreux habitants m’ont exprimé leur solidarité avec les réfugiés, les étudiants proposant des cours, un père peu argenté offrant un coup de main… Qu’on se rassure : la solidarité est une tradition dans les quartiers.

Quels problèmes rencontrez-vous concernant l’installation des réfugiés ?

Pour l’instant, aucun : les sept familles seront logées et leurs enfants scolarisés. Mais dans deux ans, auront-ils progressé en français et trouvé un travail ? En 1989, Clermont avait accueilli 350 familles kurdes. Aujourd’hui, les trois quarts ont un métier et un travail. C’est ça la réussite ! S’il arrive demain trente familles supplémentaires, nous ferons pareil. Deux cents nouvelles familles sont attendues en Auvergne. Et il est vrai qu’il nous reste des logements. Mais quand il faudra en construire, nous ne pourrons plus…

Que pensez-vous de la distinction entre réfugiés et migrants ?

Il n’y a pas d’échelle en matière de pauvreté et de détresse. Il ne faut pas jouer les uns contre les autres. Certes, l’Europe ne pourra pas absorber toute l’immigration économique. Mais ça n’est pas l’accueil qui crée un appel d’air, c’est notre système démocratique. Preuve qu’il n’est pas si mal…

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