Le FN, dernier atout du PS

En organisant du 16 au 18 octobre un pseudo-référendum sur l’unité de la gauche, les socialistes cherchent à étouffer tout débat sur leur action.

Michel Soudais  • 7 octobre 2015 abonné·es
Le FN, dernier atout du PS
© Photo : SAMSON/AFP

Le Parti socialiste s’apprête à consulter les électeurs de gauche. Ce n’est pas fréquent. Il a prévu pour cela de tenir au moins 2 000 bureaux de vote sur les marchés et la possibilité de voter sur un site Internet dédié. Mais la question et les objectifs de ce « référendum » sont biaisés. « Face à la droite et à l’extrême droite, souhaitez-vous l’unité de la gauche et des écologistes aux élections régionales ? » Cette question, qui semble sortie d’un mauvais institut de sondage, est conçue pour induire une réponse positive. Personne à gauche ne se déclare contre l’unité, encore faut-il que ce soit pour mener des politiques… de gauche. D’où un « contre-référendum » facétieux, imaginé par Julien Bayou, Elliot Lepers et Caroline De Haas ^2 : « Face à la droite et à l’extrême droite, souhaitez-vous que le gouvernement tienne ses engagements et mène une politique de gauche ? » Curieusement, alors que Jean-Christophe Cambadélis, en présentant son initiative, le 19 septembre, devant le conseil national du PS, voulait par cet appel au « peuple de gauche » imposer l’unité aux appareils politiques, le patron du PS a depuis rétréci le « peuple de gauche ». Il se satisferait désormais de 300 000 votants. Sans doute parce que l’intérêt de cette consultation, rejetée par EELV, le MRC et tout le Front de gauche – même le PRG ne s’y est pas associé –, réside moins dans le référendum lui-même que dans le bruit médiatique que son annonce génère et le climat de dramatisation qu’elle entretient autour de possibles victoires du Front national. Si la gauche du PS s’est interrogée « sur l’efficacité de cette initiative improvisée », au « caractère artificiel », qui s’appuie sur un « diagnostic [qui] n’est pas le bon », le référendum cambadelissien, salué en privé par François Hollande comme une « bonne idée », a aussitôt reçu l’appui de Manuel Valls. Le 14 juin 2014, le Premier ministre avait lui-même affirmé que « la gauche peut mourir » et le pays « se défaire et se donner à Marine Le Pen ». Mais ce discours, prononcé dans le huis clos d’un conseil national, ne s’adressait qu’aux cadres socialistes. Il visait à contenir la contestation des frondeurs qui menaçait de s’étendre.

Quatorze mois plus tard, c’est ce discours que ressert le Premier ministre. À toute la gauche cette fois. « Au moment où, dans une région – un sondage en tout cas l’indique –, il y a plus qu’un risque que l’extrême droite et Marine Le Pen l’emportent, il faudrait en rester à nos petites cuisines, ne pas être à la hauteur des responsabilités, ne pas se rassembler? », a lancé le Premier ministre lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale. « Et on sait que ce risque peut aussi s’imposer dans d’autres régions », a-t-il fait valoir. « On est dans la manœuvre et le chantage au FN », analyse Julien Bayou, porte-parole d’EELV, qui note que le référendum va « faire perdre du temps aux militants socialistes »  : « Sur les marchés, ils vont devoir alpaguer les gens, vérifier s’ils sont de gauche ou de droite, et leur poser une question sur une alliance qui n’existe pas puisqu’on a voté. » « Mettre le couteau sous la gorge des électeurs de gauche va être l’unique campagne du PS », s’inquiète David Cormand, pour qui ce « chantage à l’unité » va éviter au PS de se remettre en cause. Avant et après le scrutin.

L’ancien ministre socialiste Jean Gatel, qui vient de rejoindre la Nouvelle Gauche socialiste (NGS), démonte cette « stratégie de culpabilisation »  : « On méprise des partenaires de la gauche pendant des années, on ne tient pas compte des millions d’électeurs de Jean-Luc Mélenchon, et ensuite on organise un référendum pour bien faire comprendre que c’est parce qu’il y a eu désunion qu’il y a eu échec, et que ce n’est pas le PS qui en porte la responsabilité mais les méchants qui n’ont pas voulu voter pour lui au premier tour ! » Un discours que le parti resservira jusqu’à satiété d’ici à 2017. « Dans l’analyse classique du socialisme, a rappelé Jean-Luc Mélenchon, dimanche, à l’université de rentrée de la NGS, l’extrême droite est la dernière solution du maintien de l’ordre social […] par deux méthodes. Premièrement, elle ethnicise la lutte des classes et donc l’écarte. Deuxièmement, elle sert de revolver appuyé sur la tempe de tout le monde pour nous faire consentir à des politiques et à un ordre politique dont nous ne voulons plus. » Pour empêcher le débat politique à gauche, la menace FN est plus que jamais la dernière carte qui reste au PS pour préserver ses positions. Un jeu dangereux.

[^2]: http://referendum-gauche.com 

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