SOS racistes

Ça fait quinze ans qu’Alain Finkielkraut vole au secours de marchand(e) s de phobies.

Sébastien Fontenelle  • 21 octobre 2015 abonné·es

An 2000 : un écrivain – Renaud Camus – se laisse aller à déplorer dans son « Journal » que les « collaborateurs juifs » de France Culture (dont il ne précise pas comment il les identifie comme tels) soient parfois si nombreux ( « en nette surreprésentation » ) à l’antenne de ce « poste national ». Comme ces propos suscitent un peu d’émoi, Alain Finkielkraut, philosophe, se porte au secours de son excellent « ami » Camus, pour décréter que le gars n’est bien évidemment pas antisémite, voyons – qu’allais-tu imaginer là (au fallacieux prétexte que le mec compte les juifs à la radio et les trouve certaines fois un peu trop nombreux) ? Mais qu’il est, en revanche, formidablement courageux puisqu’il ose braver les foudres du politiquement correct pour faire « le pari dangereux mais légitime de s’interroger, la plume à la main, sur lui-même comme sur le monde, sans précaution ni censure ».

An 2002 : une journaliste italienne, Oriana Fallaci, se laisse aller à formuler, dans un livre parfaitement immonde, son point de vue sur les mahométan(e) s. Elle écrit notamment, et dans un style également très 1930’s, que « tous les musulmans [sont] des terroristes potentiels et les immigrés l’avant-garde d’une invasion », et que « les fils d’Allah se reproduisent comme des rats ». Comme ces proférations risquent de susciter un peu d’émoi, Alain Finkielkraut, philosophe, se précipite au secours de cette excellente femme, pour décréter qu’elle n’est pas spécialement raciste, voyons – qu’allais-tu imaginer là (sur la seule foi de l’orianafallacieux prétexte qu’elle assimile les musulmans à des animaux généralement considérés comme nuisibles) ? Mais qu’elle est, en revanche, et par-delà le fait qu’elle use parfois d’un vocabulaire un peu râpeux – elle « écrit avec des Pataugas », explique Finkielkraut –, remarquablement courageuse puisqu’elle « s’efforce de regarder la réalité en face » sans se laisser « intimider par le mensonge vertueux » des bobos droitsdelhommistes.

An 2015 : une eurodéputée de chez Les Républicains, Nadine Morano, se laisse aller à réciter ce qu’elle présente comme une citation du feu général Gaulle – dont l’authenticité serait attestée, ne ris pas, par le fait qu’elle a été rapportée par Alain Peyrefitte – qui dit comme ça que « la France est un pays judéo-chrétien de race blanche ». Comme cette considération suscite un peu d’émoi, Alain Finkielkraut, philosophe, vole au secours de cette digne politicienne, pour assurer qu’elle n’est pas raciste, voyons – qu’allais-tu imaginer là, au fallacieux prétexte qu’elle ne dédaigne point de narrer que son pays serait de race blanche ? Mais que « l’antiracisme » est en revanche, et quant à lui, décidément devenu « fou » de tant se scandaliser de la logorrhée de la Morano.

C’est ce qu’il y a* *de plus beau, chez Alain Finkielkraut : il est persévérant. Ça fait quinze ans qu’il endosse très régulièrement son uniforme d’ambulancier pour aller brancarder des marchand(e) s de phobies et qu’il profite du voyage pour chier, depuis de très hautes hauteurs, sur les antiracistes : ça force vraiment le respect.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes