La lutte contre les violences faites aux femmes c’est toute l’année

La mobilisation contre les violences faites aux femmes ne se limite pas à une Journée internationale. Cet événement permet en revanche de faire le point sur les mesures qui restent à mettre en œuvre.

Chloé Dubois (collectif Focus)  • 28 novembre 2015
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La lutte contre les violences faites aux femmes c’est toute l’année
© Photo: AFP PHOTO / FRANCOIS GUILLOT

En qualifiant les violences faites aux femmes de « drame passionnel » ou de « coup de folie », les magistrat-e-s se sont heurtés à la colère d’une vingtaine de collectifs et d’associations de défense des droits des femmes. Dans le cadre de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre, vingt-cinq organisations ont publié une pétition dans laquelle elles appellent Christiane Taubira, ministre de la Justice et garde des Sceaux, à proscrire, par le biais d’une circulaire, l’utilisation de ces expressions et d’imposer aux agents du ministère le respect d’une terminologie qui ne vise pas à banaliser les violences faites aux femmes.

Stéphanie Lamy, membre du collectif Abandon de Famille – Tolérance Zéro, estime inacceptable « ces termes qui font preuves de la minimisation de la violence, alors que les magistrat-e-s sont les premiers à être repris dans les médias ». Cette pétition adressée au ministère de la justice dénonce un « problème systémique culturel » qui remettrait en question les principes liés à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Les violences économiques, oubliées des discours officiels

Stéphanie Lamy et son collectif citoyen dénoncent également les violences économiques et la faiblesse des prises en charge post-séparation « par manque de bons outils juridiques ». Refus de payer la pension alimentaire, ou chantage sexuel au versement de cette pension, appropriation des biens communs au moment du divorce… Autant de pratiques trop peu reconnues comme des violences par les tribunaux, selon Stéphanie Lamy.

« Si on mentionne au juge des Affaires familiales que l’on a été victime de violence conjugale mais que l’affaire n’a pas encore été traitée au pénal, la victime peut être perçue comme la personne qui entretient le conflit, et cela peut jouer contre elle. »

S’il y a bien des avancées, elle estime qu’un certain nombre de points sur les violences économiques et post-séparation ne sont pas pris en compte, principalement au moment du passage devant la justice civile, pour le divorce par exemple : « La France n’a pas encore intégré ces points dans les textes de lois, bien qu’elle ait ratifié la Convention d’Istanbul » en 2014. Ce traité européen vise à garantir l’égalité entre les femmes et les hommes, en qualifiant les violences faites aux femmes de discriminations, et de violations des droits humains. Inscrire les violences économiques contre les femmes dans le droit français représente donc une priorité pour Stéphanie Lamy, afin que les victimes puissent être mieux protégées, comme le prévoit la Convention.

Renforcer les moyens mis en place

En 2014, l’Observatoire régional des violences faites aux femmes du Centre Hubertine Auclert a créé une cartographie des structures, associatives pour la plupart, qui aident ces femmes dans la région Île-de-France. Enrichie régulièrement, cette carte permet d’orienter les victimes vers des centres spécialisés, en fonction de leur besoin.

Si des dispositifs sont bien mis en place, Aurélie Latourès, chargée d’études au sein de cet observatoire évoque cependant sept recommandations présentées aux pouvoirs publics par le biais d’une étude menée par le Centre Hubertine Auclert et le collectif Solidarité Femme.
« Le gros volet de ces recommandations concerne les dispositions d’accès au logement , souligne Aurélie Latourès. Il y a un manque important de dispositifs spécifiques en Île-de-France. Dans la majorité des cas de violence conjugale, les femmes qui quittent leurs domiciles pour se protéger, elles et leurs enfants, se retrouvent à l’hôtel. Elles ne sont donc pas accompagnées par des professionnels dans leurs démarches. »
Le risque étant que les femmes reviennent au domicile de leurs agresseurs.

Présentée en mai 2015 lors d’un colloque au Conseil régional d’Île-de-France, l’ensemble de ces recommandations – autour du repérage, de l’accompagnement des victimes et de la prévention des violences conjugales – « ont été envoyées à l’ensemble des collectivités territoriales, et aux décideurs des services de l’État compétents dans le domaine de la santé et du logement, afin de les inciter à agir », rapporte Aurélie Latourès. Pour le moment, aucune retombée particulière n’a été signalée.

Répondre à la demande de prise en charge

Les recommandations publiées par le Centre Hubertine Auclert rejoignent le témoignage de Françoise Brié, directrice de l’association Escale, un service d’accueil et d’écoute auquel s’ajoute deux centres d’hébergement. La directrice de l’association espère elle aussi la création de logements supplémentaires pour l’année 2016.

Si Françoise Brié note les effets positifs de la sensibilisation, qui ont amené ces dernières années de plus en plus de femmes au sein de ses locaux, elle constate également une forte demande de prise en charge de la part des femmes victimes de violences. D’après elle, « tout se passe bien, une fois que tout est organisé. Sur le terrain, les articulations avec les services de police, de justice ou avec les travailleurs sociaux par exemple, sont très importants ». Ce qui implique la nécessité pour ces femmes d’être en contact avec des professionnels formés qui sont en mesure de les accompagner et de les protéger.

La formation de ces acteurs professionnels dans la lutte contre les violences faites aux femmes est d’ailleurs l’une des priorités du gouvernement, annoncée dans une campagne de communication à l’occasion de la Journée Internationale contre les violences faites aux femmes 2015.

Société
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