Pour un Plan Ecophyto au service de notre population

TRIBUNE. Sous la pression de la FNSEA, le gouvernement envisage de renoncer à réduire vraiment la dépendance de notre agriculture aux pesticides, s’alarment deux écologistes.

François Veillerette  et  Sandrine Rousseau  • 11 novembre 2015
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Pour un Plan Ecophyto au service de notre population
© Photo: Épandage de pesticides à Vimy, près de Lens en juin 2014 (AFP PHOTO / DENIS CHARLET)

Il y a 10 ans était lancé le premier Plan Ecophyto , aux objectifs ambitieux, avec une volonté de réduction de 50 % de l’usage des pesticides pour 2018. Les efforts entrepris n’ont malheureusement pas été à la hauteur des ambitions affichées, puisque loin de diminuer, les consommations de pesticides ont augmenté sur ce laps de temps et que la France reste aujourd’hui le premier consommateur européen de produits phytosanitaires et le troisième au niveau mondial. Le premier Plan Ecophyto, mis en place lorsque Xavier Bertrand était au gouvernement, a été un échec retentissant.

Cet échec a amené Stéphane Le Foll à lancer, le 4 novembre dernier, un second Plan Ecophyto. Nous félicitons évidemment le maintien de

Sandrine Rousseau
Tête de liste régionale du Rassemblement « Choisir une région citoyenne, écologique et solidaire »

François Veillerette
Candidat du Rassemblement « Choisir une région citoyenne, écologique et solidaire »

l’objectif de diminution de l’usage des pesticides de moitié en 10 ans, mais les moyens mis en œuvre et le naufrage du premier Plan posent la question de sa viabilité. L’introduction d’un nouvel indicateur de suivi du Plan par le Ministre, suite aux fortes pressions de la profession agricole, nous inquiète tout particulièrement.

Selon le texte du Plan, l’indicateur de référence ne serait plus le NODU (basé sur le nombre de traitements) mais un indicateur mixte qui pondérerait les quantités de produit utilisées par leur dangerosité pour l’environnement ou la santé. Ce changement, qui peut paraître anodin et purement technique, cache en réalité un changement d’approche majeur. Le diable est dans les détails.

L’utilisation du NODU implique une réduction globale de la dépendance de notre agriculture aux pesticides alors que le nouvel indicateur permettrait de présenter une amélioration de l’indicateur non pas en diminuant le recours aux pesticides mais simplement en réduisant leur dangerosité supposée.

On passerait donc d’un Plan visant à modifier structurellement les systèmes de culture afin de les rendre moins dépendants des pesticides à un système censé diminuer simplement les risques posés par leur utilisation. Au-delà du renoncement politique, cette approche présuppose une connaissance parfaite de la dangerosité des pesticides. Or, nous ne connaissons actuellement pas ou très peu les effets de la plupart des pesticides sur la santé. La dangerosité de la majorité des pesticides est toujours en cours d’évaluation et un produit considéré aujourd’hui comme anodin pourrait bien se révéler dangereux demain. Prenons l’exemple emblématique du glyphosate, aujourd’hui considéré par l’OMS comme cancérogène, mais qui ne l’était pas hier encore. Au-delà, une dangerosité pour qui, pour quoi : l’Homme, l’environnement, les pollinisateurs ? L’équation est complexe. Il ne faut finalement pas négliger l’effet « cocktail » qui peut multiplier la dangerosité des pesticides quand ils sont utiliser de concert.

Il est urgent que le Ministre de l’Agriculture ne cède pas aux pressions de lobbies agrochimiques qui ne défendent ni la santé des français, ni le bien commun mais l’intérêt économique de quelques firmes. L’indicateur de référence NODU doit être maintenu, comme le préconisent de nombreuses parties prenantes qui s’exprimeront sur le sujet dans les groupes de travail prévus en fin d’année.

Face au scandale sanitaire que nous vivons, il est urgent d’offrir une réponse d’envergure, à la mesure du problème. On ne peut ni fermer les yeux, ni minimiser les risques que l’utilisation de pesticides font courir à nos populations.

Les consommateurs sont par ailleurs de plus en plus avertis sur le sujet, et nous courrons le risque d’un rejet pur et simple de leur part de produits qui les tuent à petit feu. Dans un contexte de crise agricole, c’est un risque supplémentaire que nous faisons courir à l’agriculture française.
Il est temps d’arrêter de plier face aux demandes de déréglementation de la FNSEA. Dans cette affaire c’est d’environnement et de santé publique qu’il s’agit, celle des consommateurs, des riverains et des agriculteurs eux-mêmes !

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Tribunes

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