Gauz, toujours vigilant

Son expérience d’agent de sécurité a donné à ce romancier ivoirien un regard acerbe sur la société française.

Olivier Doubre  • 16 décembre 2015 abonné·es
Gauz, toujours vigilant
Debout-payé, Gauz, Le Nouvel Attila, 2014 ; Le Livre de poche, 2015, 216 p., 6,60 euros.
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Né en 1971, arrivé à Paris une maîtrise de biochimie de la fac d’Abidjan en poche, un temps sans-papiers, Armand Patrick Gbaka-Brédé, dit Gauz, a exercé une foule de métiers avant de devenir photographe, scénariste (du documentaire Après l’océan, sur l’immigration des jeunes Ivoiriens), un temps directeur d’un journal économique satirique en Côte d’Ivoire, lequel fustigeait notamment avec le sourire « l’homme du FMI », le président Ouattara, ancien fonctionnaire de l’illustre institution. Il fut aussi vigile, l’un de ces « invisibles » de la société française – parmi les surendettés, les prostitué(e)s, les usagers de drogues, les accidentés du travail, les SDF…

De ces Noirs imposants postés à l’entrée des temples de la consommation, tirés à quatre épingles dans des costumes bon marché fournis par leurs employeurs, Gauz esquisse le portrait-robot tout en stéréotypes dans Debout-payé, son premier roman : « Les Noirs sont costauds, les Noirs sont grands, les Noirs sont forts, les Noirs sont obéissants, les Noirs font peur. Impossible de ne pas penser à ce ramassis de clichés du bon sauvage qui sommeillent de façon atavique à la fois dans chacun des Blancs chargés du recrutement, et dans chacun des Noirs venus exploiter ces clichés en sa faveur ». À l’époque où il est vigile, ou « MIB, Men in Black », il découvre sans doute bien plus des interstices de la société française que dans les bibliothèques. Même s’il les fréquente aussi assidûment, découvrant une grande part du cinéma africain à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) de Nanterre, notamment l’œuvre du réalisateur sénégalais Djibril Diop Mambéty. Et de raconter que, chez les Ivoiriens de France, « le métier de vigile est tellement ancré qu’il a généré une terminologie spécifique et toujours teintée des expressions colorées du langage populaire abidjanais, le nouchi ». Comme « debout-payé » qui désigne « l’ensemble des métiers où il faut rester debout pour gagner sa pitance ». Et a donné son titre au récit plein d’humour et de finesse de cette « vigie », décrivant les habitudes des clients immigrés, voleurs français ou touristes étrangers, salué par la critique et plusieurs fois primé.

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