Pierre Richard : le rire et la colère

Connu pour ses comédies qui font s’esclaffer toutes les générations, le grand blond, 82 ans, se mobilise aujourd’hui contre la destruction de la forêt amazonienne et s’alarme de la montée du FN.

Ingrid Merckx  • 16 décembre 2015 abonné·es
Pierre Richard : le rire et la colère
© Photo : Danny Gys/Reporters

Pierre Richard imitant Gérard Depardieu, ça vaut le détour. Sur son canapé, dans son agréable loft parisien, le comédien lève les yeux au ciel, inspire par le nez. « Pour un gag, il faut un témoin. Moi, c’est le témoin qui m’amuse. Gérard, dans cette scène de la Chèvre, a l’air tellement… consterné ! », s’esclaffe-t-il. Généralement, Pierre Richard ne revoit pas ses films. Même des classiques comme le Distrait, le Grand Blond ou Je suis timide mais je me soigne. Mais, la veille, il a fait une exception. À l’occasion de la COP 21, et en raison de son engagement contre la destruction de la forêt amazonienne, il héberge une délégation d’Indiens d’Amazonie, dont le chef Raoni. « Il m’a offert cette pipe », montre-t-il. Son poignet droit est ceint d’un bracelet brésilien plus large qu’un poignet de force. «   Hier soir, alors que nous étions sur ce canapé à fumer, il a demandé à voir un de mes films. » Et de se remémorer, hilare, cette scène de la comédie de Francis Veber où Depardieu l’envoie, dans un bar, se faire gifler par une femme offensée. Il faut imaginer Raoni et Pierre Richard devant l’écran la pipe au bec…

Puis, le comédien s’indigne : « Tout le monde s’en fout, de l’Amazonie ! » En ce lendemain de premier tour des régionales, où « on est tous un peu en deuil », il a nettement plus envie de parler d’écocide que de l’ombre du FN. Sur les méga-barrages de Belo Monte et de Tapajos, les boues toxiques et le saccage de l’habitat des peuples indigènes, ce tendre se révèle intarissable et en colère. Il ne fait pas loin de 30 °C sous sa jolie verrière, où s’épanouissent de hautes plantes grasses. « Mes hôtes ont froid », s’excuse-t-il. Lui, il est en tee-shirt noir, jean noir et chaussures grises un peu destroy. Ses cheveux lui tombent raides sur le front depuis l’anesthésie générale qui l’a défrisé il y a deux ans : ça lui donne une allure un peu rock qui lui va bien. « Il est de plus en plus beau », admire Gérard Depardieu en préface à Je ne sais rien mais je dirai tout (Flammarion), publié par son compère en mai dernier. Pas un petit exploit : à 82 ans, Pierre-Richard Defays poursuit la carrière qu’il a embrassée moins pour provoquer son grand-père, grand industriel du Nord, que sur un coup de foudre devant Buster Keaton au cirque et Danny Kaye au cinéma. Assez puissant pour semer une fibre artistique chez les générations suivantes : ses deux fils, Christophe et Olivier, sont contrebassiste et saxophoniste de jazz, un de ses petits-fils se pique de jouer la comédie, une de ses petites-filles chante de manière très prometteuse… « Quand je leur interdis le Nutella, ils râlent, lance-t-il, repartant dare-dare sur les méfaits de l’huile de palme. Mais on va leur laisser une poubelle ! »

Incapable de se rappeler à quand remonte son intérêt pour l’écologie, le comédien s’étire : « Quand j’avais 20 ans, on n’en parlait pas. » Puis se laisse glisser lestement du canapé par terre, où, en tailleur, il rallume un mégot attrapé dans le cendrier sur la table basse. Autour, des DVD de séries américaines, dont True Detective et Hell on Wheel s, sur la construction du chemin de fer aux États-Unis. Les Cheyennes y sont perçus comme des sauvages sanguinaires et rétifs au progrès… « La délégation amazonienne a écrit à François Hollande. Et après ? EDF est partie prenante dans ces chantiers. » Dans Mia et le Migou, de Jacques Rémy-Girerd (voir p. 38), il fait la voix de Pedro, le père de la petite héroïne qui sauve la forêt. Depuis cet automne, Pierre Richard est parrain du DAL. Il a rejoint le collectif « par le biais d’une rencontre », après avoir croisé « Babar » (Jean-Baptiste Eyraud) dans une manif. Aujourd’hui, il s’apprête à partir en Californie pour la tournée de sa pièce Pierre Richard III. Avant l’été, il a repris la trompette, dans laquelle il avait soufflé jeune homme, pour mimer un solo dans un spectacle avec le Duke Orchestra, intitulé le Grand Blond et la musique noire. « Je joue comme une patate, c’est drôle ! » Car faire rire, « c’est un grand plaisir, c’est euphorisant… »

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