Emmanuelle Cosse et sa conscience

J’ai envie de prendre Emmanuelle Cosse au mot quand elle dit avoir accepté d’être ministre « en conscience ».

Christophe Kantcheff  • 24 février 2016
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Emmanuelle Cosse et sa conscience
© Photo : CITIZENSIDE / YANN BOHAC / citizenside.com / AFP

On a qualifié sa décision de « trahison », on a parlé d’« immoralité ». J’ai pourtant envie de prendre Emmanuelle Cosse au mot quand elle dit avoir accepté d’être ministre « en conscience ». Ce n’est pas rien, une conscience. On ne peut la convoquer à la légère. En l’occurrence, qu’est-ce que l’ancienne patronne d’EELV a voulu signifier ? Avant tout : que ses prises de position antérieures, abondamment rappelées sur les réseaux sociaux – en particulier ses tweets pourfendeurs, comme celui-ci, daté du 19 janvier, « Déchéance de nationalité : un non-sens, une incompréhension totale. Cette proposition fait du mal à la société » –, n’avaient rien d’incompatible avec son entrée au gouvernement. Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit aucunement pour elle de se renier, mais d’« être utile dans l’action, […] être là où se font les arbitrages ».

Il est curieux qu’un tel éloge à la lettre du pragmatisme (du grec pragmatikos, « relatif à l’action ») nécessite d’être conforté par un recours à l’éthique. Mais, chez Emmanuelle Cosse, le goût de l’action et la conscience ne font qu’un. Être en accord avec soi-même, c’est agir. Tout son parcours est à considérer à cette aune, y compris quand elle était présidente d’Act Up-Paris. Si bien que le jour prochain où l’infâme projet de loi sur le code du travail viendra en conseil des ministres, pas plus autour de la table qu’en dehors de l’Élysée, Emmanuelle Cosse ne le dénoncera. Et l’exercice d’introspection auquel elle se livrera peut-être – quand elle se regarde dans une glace ? – ne sera pas trop éprouvant. Rien ne peut intimement la déstabiliser pourvu qu’elle fasse de l’écologie dans son ministère du Logement – ou qu’elle croie qu’il en est ainsi.

En acceptant la proposition de François Hollande, Emmanuelle Cosse ne peut se reprocher d’avoir trahi puisqu’elle continue d’être ce qu’elle a toujours été. C’est donc bien « en conscience » qu’elle participe à un gouvernement qui a pour ennemis les classes populaires et les va-nu-pieds. C’est « en conscience » qu’elle s’est rangée du côté de ceux qui veulent la peau de la gauche ; enfin, c’est « en conscience » qu’elle a suscité une immense vague de dégoût et contribué plus que beaucoup d’autres à faire perdre à la politique un peu plus encore de sa substance.

Culture
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