Benjamin Lucas (MJS) : « Une rupture avec nos valeurs »

Pour le président des Jeunes Socialistes, Benjamin Lucas, le gouvernement doit se rappeler les idées et les engagements de 2012.

Lena Bjurström  • 16 mars 2016 abonné·es
Benjamin Lucas (MJS) : « Une rupture avec nos valeurs »
© **Benjamin Lucas** Président des Jeunes Socialistes (MJS). Photo : JACQUES DEMARTHON/AFP

Réforme du droit du travail, déchéance de nationalité… Pour Benjamin Lucas, ces décisions gouvernementales sont en rupture avec les engagements de la gauche au pouvoir. Un jeu politique qui divise les socialistes, à l’heure où ils devraient se rassembler contre la droite et l’extrême droite.

Vous avez appelé à la mobilisation contre une loi portée par un gouvernement socialiste. La discussion n’était plus possible avec l’exécutif ?

Benjamin Lucas : Je ne pense pas que manifester signifie refus de discuter : les deux ne sont pas incompatibles. On peut à la fois marquer une opposition dans la rue, au cœur du mouvement social, comme l’ont toujours fait les socialistes, et dialoguer. Mais, tant que le texte n’évolue pas, qu’y persistent les déséquilibres que nous dénonçons, nous continuons à nous mobiliser.

J’appelle depuis le début à une démarche de synthèse qui permettrait de rassembler la famille socialiste. Mais le compromis n’est pas possible tant que le texte porte l’idée que le code du travail est un frein à l’emploi, qu’il prône le plafonnement des indemnités prud’homales ou la facilitation des licenciements. Si le projet est revu, il ne faut pas que ce soit une simple question de curseur. Le problème de ce texte, c’est son orientation, loin de celle défendue par la gauche depuis des années, notamment lors de la campagne présidentielle contre Nicolas Sarkozy, et proche des discours et des actions de la droite.

Le plus simple, ce qui apaiserait le plus les tensions, ce serait de retirer ce texte et de remettre tout le monde autour de la table. Le MJS n’est pas une organisation syndicale, ce n’est pas à nous de demander le retrait ou la réécriture. Mais, quoi qu’il en soit, il faut un projet de nature complètement différente.

Vous définissez les Jeunes Socialistes comme « le poil à gratter de la famille socialiste ». C’est-à-dire ?

Chez les socialistes, nous avons été les premiers à évoquer le mariage pour tous, et ce à une époque où personne ne voulait en entendre parler. Nous avons aussi été les premiers à parler d’écologie, des emplois d’avenir… Les Jeunes Socialistes ont souvent un temps d’avance, ils sont plus modernes que leurs aînés sur bien des sujets. Et notre rôle est de bousculer les habitudes, de porter un message qui détonne parfois et qui rappelle notre fidélité à nos valeurs et à nos engagements. Nous sommes au cœur de la famille socialiste, mais nous restons une organisation de jeunes distincte du PS, avec notre propre autonomie de pensée et d’action.

Mais, quand on appelle à manifester contre une loi portée par sa famille politique, n’y a-t-il pas une forme de rupture ?

Est-ce que la rupture vient de ceux qui appellent à manifester contre un projet qui, même s’il vient de notre famille politique, n’est pas inspiré par les valeurs et le programme de cette famille, ou de ceux qui font une réforme contredisant ce que nous avons dit et fait quand nous étions dans l’opposition, et nos engagements de campagne en 2012 ? En outre, je ne suis pas sûr que la réforme du droit du travail ou la déchéance de nationalité soient vraiment des idées majoritaires dans la famille socialiste…

Y a-t-il une fracture au sein du PS, selon vous ?

Il y a un débat. La fracture, je pense qu’il faut tout faire pour l’éviter, car, si on est fracturés, on est éparpillés, et la droite ou l’extrême droite risquent de l’emporter. Il faut tout faire pour éviter ça et se mettre d’accord sur un cadre commun de valeurs au sein duquel faire des propositions. Il faut nous rassembler.

Le gouvernement s’est-il coupé de cette possibilité en portant le projet de réforme du droit du travail ? Considérez-vous toujours l’exécutif comme « socialiste » ?

Il y a toujours eu, au sein de la famille socialiste, une tentation libérale s’opposant à une pensée plus radicale de transformation de la société. Sauf que, jusqu’à présent, ces deux courants politiques arrivaient à cohabiter. Ils respectaient un cadre commun au cœur de notre engagement : l’égalité, la solidarité, le refus du vocabulaire et des arguments de la droite… Mais certaines orientations de ces derniers mois, comme ce texte sur le travail ou la déchéance de nationalité, sont en rupture complète avec ce qu’est la gauche.

Je ne suis pas la police des consciences. Je me refuse à déterminer qui est socialiste et qui ne l’est pas. Mais, ce qui est sûr, c’est qu’en tant que socialiste je ne me reconnais pas dans un discours qui place le débat identitaire au-dessus de la question de l’égalité ou qui affirme que le code du travail est un frein à l’emploi. Aujourd’hui, le gouvernement a déboussolé non seulement les militants socialistes, mais, au-delà, ceux qui ont contribué à notre victoire en 2012 : les jeunes, les habitants des quartiers populaires… Toutes celles et ceux qui ont cru en la promesse de changement.

Nous, nous demandons simplement le respect des engagements de 2012 et de la parole présidentielle. Il reste quinze mois. Quand le gouvernement veut mener des politiques qui rassemblent la gauche, il sait le faire. Le mariage pour tous, la prime d’activité pour les jeunes, la réforme de l’éducation… On peut montrer qu’une autre politique que celle de la droite est possible.

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