« 10 949 femmes » : Dans les mémoires du FLN

Avec 10 949 femmes, Nassima Guessoum brosse le portrait sensible d’une militante engagée dans la guerre d’Algérie.

Jean-Claude Renard  • 27 avril 2016 abonné·es
« 10 949 femmes » : Dans les mémoires du FLN
© Nassima Guessoun

Des pièces séparées par de fins rideaux, des photos en noir et blanc, des fauteuils colorés, des cartes postales accrochées aux murs décrépis et une femme qui s’affaire en cuisine. C’est l’intérieur d’une militante algéroise, filmée pendant deux ans. Dans le salon, fièrement affiché, trône son « Prix de la résistance des femmes contre l’intégrisme et contre l’oubli. Le RAFD Rend Hommage à : -Nassima Hablal Pour Son Courage et son Engagement Pour l’Algérie. »

Le prix est daté du 8 mars 2005. Nassima est née en 1928. Elle perd un peu la tête, s’oublie dans le présent mou, s’empêtre dans le calendrier, mais songe tout de même à son rouge à lèvres et continue de tirer sur une cigarette. Elle vit maintenant d’une petite pension. Mais « je me contente, je ne me prive pas. La vie est si courte ! » Elle ne prive surtout pas la caméra de refrains, habillant son quotidien de chansons fredonnées à toute heure, tantôt en français, tantôt en arabe. « Si je n’avais pas fait de politique, je serais une grande chanteuse », confie-t-elle. Mais foin de regret. « J’ai mené une vie de patachou » (et non de patachon).

Si Nassima bute sur les dates, elle se souvient de son engagement dès 1945. Une visite au musée national sera l’occasion de rafraîchir la mémoire (ou le prétexte), de revenir sur ces femmes qui ont pris les armes dans la bataille d’Alger. « Elles sont peu nombreuses alors au regard des 10 949 femmes répertoriées comme moudjedètes [donnant le titre au film], commente la réalisatrice en voix off. Les autres, qui par de menus actes quotidiens participaient à la résistance dans la zone autonome d’Alger, ont été bien moins mises en avant. Nassima étaient de celles-là. » Fréquentant les étudiants de gauche, travaillant au cabinet du gouverneur puis militant clandestinement au Parti du peuple algérien (PPA). En 1954, un comité révolutionnaire déclenche la lutte armée : c’est la naissance du FLN et Nassima plonge dans la révolution.

C’est dans le dynamisme entre passé et présent que la réalisatrice Nassima Guessoum avance ainsi son film et ce portrait, dans les subtilités et les fragilités de la mémoire, moins retorse que les détails du présent, sans même avoir recours aux archives, se reposant sobrement sur la parole de son personnage. Personnage attachant s’il en est, qui ne se voit même pas en héroïne.

Cinéma
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