Panama Papers, maladie française

L’argent qui se perd dans les paradis fiscaux appauvrit la France.

Jérôme Gleizes  • 13 avril 2016 abonné·es
Panama Papers, maladie française
© JOE RAEDLE / GETTY IMAGES SOUTH AMERICA / GETTY IMAGES/AFP

Le candidat François Hollande déclarait le 22 janvier 2012 dans son discours programmatique au Bourget : « Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies. […] Cette emprise est devenue un empire. […] Face à elle, à cette finance, les promesses de régulation, les incantations du “plus jamais ça” sont restées lettre morte. Les G20 se sont succédé sans résultat tangible. […] Les banques, sauvées par les États, mangent désormais la main qui les a nourries. […] Quant aux fonds spéculatifs, loin d’avoir disparu, ils sont encore les vecteurs de la déstabilisation qui nous vise. La finance s’est affranchie de toute règle, de toute morale, de tout contrôle. »

La fuite des Panama Papers révèle une nouvelle fois l’écart entre le discours du candidat et les actes du président de la République depuis 2012. De reniements en reniements, la France apparaît comme l’un des pays les plus affectés par ce scandale de paradis fiscaux offshore, avec plus d’un millier de personnes citées. La Société générale a ouvert 979 comptes entre 1977 et 2015, et apparaît dans les 10 premières banques citées. Depuis 2012, rien n’a été fait pour lutter contre ces paradis, dans la continuité de tous les gouvernements précédents depuis le lancement de la politique de dérégulation par Delors et Fabius en 1983.

L’idéologie de la supériorité de la finance a petit à petit conquis les esprits en imposant le fétichisme de la monnaie, cette croyance que le pouvoir d’achat de la monnaie est une propriété naturelle de celle-ci. Ce fétichisme nie les rapports sociaux qu’elle sous-tend. La neutralité de la monnaie que critiquait Keynes dans les années 1930 a été remplacée par un pouvoir magique tout aussi critiquable. Ce mouvement est à comparer avec celui, simultané en France, de désindustrialisation. Il ne peut y avoir de création de richesse sans production. La monnaie n’a pas le pouvoir magique de créer de la richesse. L’argent qui va se perdre dans les paradis fiscaux ne s’investit plus en France et donc l’appauvrit.

Si François Hollande avait mis en œuvre son discours du Bourget, il aurait pu inverser la logique de désindustrialisation mortifère. Malheureusement, il a fermé les yeux et défendu une politique d’amélioration des marges des entreprises… qui ont continué à aller se perdre dans les paradis fiscaux. La Banque centrale européenne ne fait pas mieux avec sa politique fétichiste de quantitative easing, qui abreuve les banques de liquidités, alimentant les bulles spéculatives plutôt que l’investissement productif et surtout ceux nécessaires à la résolution des crises écologiques.

Pour terminer, l’ironie de cette affaire est que le FN, qui se voulait l’alternative anti-système, se révèle le parti le plus intégré dans ce système d’exfiltration fiscale !

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