Élie wiesel : L’ami des colons

Disparition d’un « messager de la mémoire de la Shoah », sans aucun doute. « Messager de la paix » ? Certainement pas.

Denis Sieffert  • 6 juillet 2016
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Élie wiesel : L’ami des colons
Photo : MAURIZIO GAMBARINI/AFP

La disparition d’Elie Wiesel, le 2 juillet, a donné lieu à d’innombrables articles dans notre presse, et nos médias audiovisuels n’ont pas tari d’éloges sur cet « humaniste », « messager de la paix », et « conscience universelle ». Le deuil, il est vrai, se prête mal à la critique. Mais, tout de même, pas un mot sur l’engagement de Wiesel au côté des colons extrémistes. Sur deux pleines pages, Le Monde n’a pas trouvé la place de rappeler un article publié dans ce même journal sous la signature de Benjamin Barthe, le 26 octobre 2011. Le correspondant du Monde à Jérusalem rendait compte de la « consternation » des pacifistes israéliens après que Wiesel eut pris la tête du conseil d’administration d’Elad, un groupe de colons d’extrême droite gérant un parc archéologique du quartier palestinien de Silwan, à Jérusalem, et instrument notoire de l’expulsion des Palestiniens. « Seules les fouilles archéologiques m’intéressent », avait osé répliquer Wiesel… Wiesel « messager de la paix » ? Non. « Messager de la mémoire de la Shoah », sans aucun doute. Mais surtout pas « conscience universelle ».

Ce rescapé de la Shoah qui a vu, adolescent, son père massacré sous ses yeux par les SS a certes porté toute sa vie cette souffrance. Faut-il pour autant occulter cette part de lui-même qui n’a cessé d’approuver l’occupation et la colonisation des Territoires palestiniens ? Le silence que les hagiographes se sont imposé participe du discours officiel israélien. Le jour même de la mort de Wiesel, Benyamin Netanyahou affirmait que l’idée selon laquelle les « constructions israéliennes » (sic) font obstacle à la paix « est un mythe ». Il réagissait à la publication d’un rapport du Quartette (États-Unis, Russie, Union européenne et ONU) qui affirmait que les colonies israéliennes, les démolitions de maisons palestiniennes et la confiscation des terrains par Israël « sapent la viabilité de la solution à deux États ». Notons au passage que pour accoucher de cette évidence, le Quartette a mis plusieurs mois marqués par d’âpres négociations.

Ce rapport de huit pages prend d’ailleurs soin de dénoncer symétriquement les violences palestiniennes. Souci d’équilibre entre la cause coloniale et ses effets sur une population livrée à l’arbitraire. Il y a à présent 570 000 colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, cette partie palestinienne que Wiesel revendiquait au nom de la Bible. Comme par défi, le gouvernement israélien a annoncé le 4 juillet la construction de 560 nouveaux logements dans la colonie de Maale Adumim. Sans provoquer de grandes réactions du côté des pays qui composent le Quartette. Il est permis de voir une grande cohérence entre ce silence diplomatique, et les « oublis » journalistiques dans la biographie d’Elie Wiesel.

Les échos
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