Augmentation du prix de la consultation : « C’est le patient qui va payer ! »

La consultation chez le généraliste va augmenter de 2 euros. Un cadeau électoral à la petite semaine, selon le spécialiste de la santé, Frédéric Pierru.

Pauline Graulle  • 25 août 2016
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Augmentation du prix de la consultation : « C’est le patient qui va payer ! »
© Photo : PHILIPPE HUGUEN / AFP.

Hier, jeudi 25 août, une convention a été signée entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie. Elle fait passer le tarif de la consultation du généraliste de secteur 1 (sans dépassement d’honoraires) de 23 à 25 euros à partir du 1er mai 2017. Une augmentation qui sera supportée majoritairement par les complémentaires santé. Politis.fr a demandé son analyse à Frédéric Pierru, sociologue au CNRS, spécialiste des questions de santé. Il y voit non une incitation à encourager le non-dépassement d’honoraires, mais un pur cadeau électoral, neuf mois avant la présidentielle.

Frédéric Pierru, sociologue au CNRS, spécialiste des questions de santé
Pourquoi le gouvernement augmente-t-il les médecins généralistes ?

C’est évidemment un cadeau électoral. Le gouvernement vise deux objectifs : faire plaisir à la frange d’une catégorie de médecins, les généralistes, qui sont à la base plutôt de gauche. Il entend également aussi contenter des professionnels dont il pense – à mon avis à tort – qu’ils ont une influence sur l’opinion. Au passage, cela lui permet aussi d’apaiser les relations, tendues ces derniers temps, avec le syndicat de la médecine générale MG France. Cette tentative de rattrapage de fin de mandat est assez pathétique. Non seulement elle ne règle pas les vrais problèmes (de conditions de travail, de dévalorisation de la médecine générale…), mais elle entre même en contradiction avec la loi de 2013 qui a légitimé les dépassements d’honoraires pour, soi-disant, mieux les contrôler…

Mais n’est-il pas juste d’augmenter les généralistes, qui sont les moins bien payés des médecins ?

La question est : était-ce vraiment la priorité dans cette période de crise ? Effectivement, ce ne sont pas eux les mieux payés, mais les généralistes gagnent tout de même en moyenne entre 6 000 et 6 500 euros par mois ! Les médecins sont parmi les professionnels qui ont vu leur pouvoir d’achat augmenter le plus depuis vingt-cinq ans. Ensuite, il faut savoir que les médecins sont payés 25 euros la consultation, mais qu’ils touchent en plus 10 euros de l’Assurance Maladie au titre de la ROSP _[rémunération sur objectifs de santé publique, NDLR].

Certes, il n’est pas illégitime d’augmenter les généralistes puisqu’ils sont, selon moi, des piliers du système de soins – contrairement à d’autres spécialistes qui sont pourtant bien mieux payés… Mais la question est piégeuse, et elle risque de conduire les spécialistes à demander eux aussi une revalorisation ! Il vaudrait mieux ouvrir le débat sur la rémunération des professionnels de santé en rapport avec leur plus-value quant à la qualité des soins. Dans ce cadre, je serais par exemple favorable à ce que soit transféré l’argent public dédié à certains spécialistes vers les généralistes, mais en veillant à ce que « l’enveloppe » financière globale conserve le même volume.

Qui va payer cette augmentation de 2 euros ?

C’est nous ! En tant que contribuables ou en tant que clients de complémentaires. Évidemment, le gouvernement ne va pas augmenter CSG [contribution sociale généralisée, NDLR], et il ne va pas non plus réorienter l’argent de la sécu dévolu à un hôpital public déjà exsangue… Ce sont donc les complémentaires santé qui vont prendre en charge le surcoût, en le répercutant évidemment sur leurs clients. Autrement dit, le financement de cette augmentation va être le plus inégalitaire qui soit, puisqu’elle organise le transfert du pouvoir d’achat de salariés – qui se serrent déjà la ceinture – vers le secteur privé. Si encore le gouvernement avait exigé que cette augmentation s’accompagne de garanties sur l’installation des médecins dans les déserts médicaux, par exemple… Mais ce n’est même pas le cas et le patient ne s’en trouvera pas mieux soigné. Hélas, ce cadeau électoral est à l’image de ce quinquennat sur les questions de santé : aucune vision et une gestion au fil de l’eau.

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