Tous contre Hollande

Coup sur coup, trois anciens ministres du gouvernement viennent de se déclarer dans la course électorale, critiquant sévèrement le chef de l’État, mais sans parvenir à se concerter.

Michel Soudais  • 24 août 2016 abonné·es
Tous contre Hollande
© Photo : DOMINIQUE FAGET/AFP

Cela ressemble à un tir groupé. Coup sur coup, trois anciens ministres de François Hollande viennent de se déclarer candidat à sa succession. Et pour justifier leur candidature, tous font feu sur leur ancien capitaine, lui refusant leur soutien et lui déniant jusqu’à la possibilité de se représenter. À l’orée d’une année dominée par l’échéance présidentielle d’avril 2017, l’anti-hollandisme a gagné la gauche.

Benoît Hamon a tiré le premier. Trois jours après avoir pris de court ses petits camarades en se déclarant au JT de France 2, l’ancien ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire et éphémère ministre de l’Éducation, résumait ainsi dans un entretien à L’Indépendant (19 août) pourquoi, à ses yeux, le président de la République n’était « pas le bon candidat » pour le PS : « Je crois fondamentalement que la capacité de François Hollande à réunir sa famille politique est émoussée, je pense qu’il est trop tard pour lui aujourd’hui. […] Dans beaucoup de domaines, l’économie, le social, il n’a même pas essayé une politique de gauche. Il est trop tard pour qu’il recrée une relation de confiance avec son électorat. »

Le lendemain, c’était au tour de Cécile Duflot d’annoncer sa candidature à l’élection présidentielle « au travers de la primaire de l’écologie ». Dans sa longue lettre d’intention, publiée sur le site de Libération, l’ancienne ministre du Logement ne cite pas explicitement le chef de l’État. Mais c’est bien François Hollande qu’elle vise quand elle évoque « un quinquennat où le 49-3 a constitué une arme au service du renoncement », et décrit une politique qui « tournait le dos à nos engagements et à l’avenir », ou se dresse contre « la lâcheté » qui rend possibles « les pesanteurs, les injustices ». Ou bien encore quand elle affirme que les écologistes n’ont « rien à attendre d’élites autoproclamées qui ont mené le pays dans l’impasse où il se trouve ». Il y a deux ans, presque jour pour jour, elle publiait un essai sur son expérience gouvernementale, De l’intérieur, voyage au pays de la désillusion (Fayard), dans lequel elle l’éreintait : « Faute d’avoir voulu être un président de gauche, il n’a jamais trouvé ni sa base sociale ni ses soutiens, écrivait-elle. À force d’avoir voulu être le président de tous, il n’a su être le président de personne. »_ Aujourd’hui, elle se dit _« la première déçue d’avoir participé à une aventure, la victoire de 2012, qui finit là où on en est ».

Dimanche, c’est Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique, qui se lançait dans la course élyséenne en jugeant « indéfendable » le bilan du quinquennat, pour lequel il dit éprouver « le sentiment d’un gâchis, d’une grande occasion manquée ».

« Si je suis candidat au rassemblement d’une majorité de Français, c’est d’abord parce qu’il m’est impossible, comme à des millions de Français, de soutenir l’actuel président de la République », s’est justifié celui qui par son ralliement entre le premier et le second tour de la primaire de 2011 – 17 % des suffrages – avait assuré la victoire de François Hollande. « Ce soutien aurait signifié que nous aurions agi au pouvoir avec efficacité […], que nous aurions agi conformément à nos engagements pris devant le peuple, que nous aurions respecté, et même chéri nos valeurs. Il aurait signifié que nous serions restés fidèles à ceux qui nous ont fait confiance et pour qui nous nous sommes engagés. » Or pour Arnaud Montebourg, qui appelle à « créer de toutes pièces une nouvelle direction politique pour le pays », ce soutien n’est ni possible ni souhaitable. « Si nous nous résignons à tenter de reconduire l’actuel président, poursuit-il, les Français nous sanctionneront durement, et ils auront raison de le faire. » Non sans demander à François Hollande, dans un ultime défi, de « bien réfléchir » à sa candidature, « de prendre en compte l’intérêt général du pays, la faiblesse inédite et historique qui est la sienne au regard des Français […]_, et de prendre la décision qui s’impose »_.

François Hollande « est perdu et perdant », estime également Gérard Filoche, autre candidat déclaré à la primaire du PS. L’ancien inspecteur du travail lui conseillait lundi sur LCI de « se retirer dignement », convaincu que « s’il est candidat, il fait perdre toute la gauche ». Mi-juin, sa camarade Marie-Noëlle Lienemann, également candidate dans cette primaire, estimait également que François Hollande est « un obstacle à un rebond de la gauche permettant d’espérer sa victoire » et « un obstacle à la reconquête des couches populaires que, pour une part, Marine Le Pen a captées ».

Mais l’anti-hollandisme ne fait pas pour autant l’unité. « Il ne suffit pas de critiquer Hollande pour être proches », avertit ainsi Yannick Jadot sur RMC (22 août). Le député européen et candidat déclaré à la primaire d’EELV rappelle qu’Arnaud Montebourg « défend le nucléaire et le gaz de schiste ». Il ne goûte guère non plus les positions de l’ancien ministre de l’Économie sur l’Europe : « Le repli nationaliste n’est pas une solution pour aller mieux, même si l’Europe telle qu’elle fonctionne pose plein de problèmes. »

Nullement concerté, le tir groupé anti-Hollande cache une concurrence qui, dans le cadre de la primaire du PS, où trois représentants de la gauche du parti sont déjà candidats – Arnaud Montebourg refusant pour l’instant de dire s’il y participera faute d’en connaître les modalités d’organisation –, a toutes les chances de bénéficier à François Hollande. Le risque n’a pas échappé à Christian Paul, leader du courant À gauche pour gagner, qui rassemble les frondeurs de toute nature, dont Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lienemann et Gérard Filoche, ainsi que des animateurs de la campagne d’Arnaud Montebourg, comme le député Laurent Baumel ou François Kalfon. Tous ont prévu de se retrouver les 10 et 11 septembre à La Rochelle, en université d’été, pour tenter de s’entendre sur un projet et un candidat unique. En attendant cette très hypothétique fumée blanche, pousser François Hollande à renoncer à une nouvelle candidature tient lieu de viatique.

Cette démolition du Président sortant et de son bilan, au sein même de ce qui fut son camp, inquiète les pro-Hollande, qui n’ont pas manqué, à l’instar de Jean-Marie Le Guen, de brocarder « l’outrance et la caricature » du discours d’Arnaud Montebourg, ce dernier étant considéré comme l’adversaire le plus rude de François Hollande. Les deux hommes incarnent en effet deux visions incompatibles de l’économie et du rôle de l’État. Et sans doute également – du moins le candidat de Frangy-en-Bresse l’a-t-il esquissé dans son discours, dimanche – de la politique internationale de la France.

L’entrée en campagne du chantre du « Made in France » n’inquiète pas en revanche Jean-Luc Mélenchon. Le candidat de « La France insoumise », qui fera sa rentrée dimanche à Toulouse au cours d’un pique-nique, s’est réjoui sur les réseaux sociaux de voir son inlassable « condamnation du bilan du quinquennat de François Hollande » confirmée « depuis l’intérieur du PS », qui plus est par « un de ses ex-principaux ministres et l’un de ses soutiens essentiels » de la primaire de 2011. Selon lui, les thèmes choisis par Montebourg (6e république, relocalisation industrielle, dénonciation des traités européens) « élargissent l’audience de [son] discours ». À condition, comme il le pense, que l’ex-ministre de l’Économie n’aille pas jusqu’au bout de la course élyséenne.

Politique
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