Danse avec les bûches

Claudio Stellato imagine un spectacle-performance à partir de quatre mètres cubes de bois. Jouissif et singulier.

Anaïs Heluin  • 21 septembre 2016 abonné·es
Danse avec les bûches
© Photo : Massao Mascaro

La Cosa, de Claudio Stellato, fait partie de ces spectacles qui affichent d’emblée leurs références. Au centre d’un dispositif bifrontal, quatre structures faites de bûches en bois évoquent les sculptures éphémères de Johann Le Guillerm. Des assemblages de planches, de tiges de métal et autres matériaux simples devenus célèbres dans le monde du cirque pour leur beauté autant que pour l’acharnement de leur créateur à les faire vivre depuis 2003 dans le spectacle Secret, dont on peut voir actuellement les dernières représentations à la friche industrielle Babcock à La Courneuve.

Installé à Bruxelles, l’Italien Claudio Stellato n’est pourtant pas dans le mimétisme du génial Sisyphe. En se concentrant sur un seul matériau, il pousse sa réflexion sur la matière jusqu’à une forme de transe. L’air de rien, il questionne ainsi le rôle de la répétition dans les arts du cirque et la notion de répertoire, encore jeune dans ces disciplines.

Des constructions initiales, des corps dépassent. La moins sophistiquée laisse apparaître une tête. Le Beckett de Ô les beaux jours n’est pas loin. À la place de l’absurde Winnie dans son tas de gravats, un des quatre gaillards de La Cosa. Julian Blight, Mathieu Delangle, Valentin Pythoud et Claudio Stellato lui-même sont tous prisonniers d’un étau rustique qu’ils s’appliquent à détruire bûche par bûche, tels les participants d’un jeu de patience aux règles compliquées. Loin de l’allure fière et fantasque de Johann Le Guillerm, Claudio Stellato et ses comparses paraissent d’abord victimes d’un ordre dans lequel ils ont été inclus de force. Ils font table rase avant de bâtir de nouvelles architectures, finalement peu différentes des -premières.

À quoi bon tout foutre en l’air, si c’est pour tout recommencer ? Pour le plaisir de la sueur et du tournis, semblent nous dire les quatre interprètes. Et pour la preuve toujours nécessaire qu’à partir de presque rien on peut encore faire quelque chose. Peu importe quoi, au fond, tant que ça tient debout et que ça entretient la certitude d’être en vie.

Ballet pour hyperactifs, La Cosa fut l’un des grands moments de la dernière édition du festival Mimos à Périgueux. Aux côtés de la compagnie -Ilotopie et de son théâtre visuel aquatique ou encore de la compagnie Theatre Re, qui développe une recherche entre théâtre et mime, les croisements disciplinaires et les multiples clins d’œil de Claudio Stellato sont apparus dans toute leur belle complexité.

De ses filiations, l’Italien tire un objet singulier qui se clôt par un jouissif jeu de haches et de souches d’arbres. En pitres aux gros bras, les quatre artistes issus de disciplines diverses ont l’art de cacher le sérieux de leur démarche : la poursuite de chemins artistiques dessinés par d’autres, et encore pleins de possibles.

La Cosa, de Claudio Stellato, le 24 septembre à la Maison des -jonglages de La Courneuve (93), le 30 septembre à la Maison de la culture de Gentilly (94), les 21 et 22 octobre à Auch (32) dans le cadre de Circa, Festival du cirque actuel, le 1er novembre à la Verrerie d’Alès-Pôle national des arts du cirque (30). Reste de la tournée sur www.la-cosa.eu.

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