La surprise des Monkees

Cinquante ans après sa création, et après vingt ans de silence, ce groupe phare des années 1960 sort un nouvel album aussi magnifique qu’inattendu.

Jacques Vincent  • 21 septembre 2016 abonné·es
La surprise des Monkees
© Photo : Matthew Eisman/GETTY IMAGES/AFP

L’histoire des Monkees est des plus atypiques. Elle débute en 1965, quand un cinéaste, Bob Rafelson, alors peu connu, s’associe avec le producteur Bert Schneider en vue de créer une série télévisée autour d’un groupe pop. L’idée leur est venue après avoir vu A Hard Day’s Night, premier film de Richard Lester avec les Beatles. Les deux compères ajoutent néanmoins une variante de taille : leur intention n’est pas de choisir un groupe existant mais d’en créer un de toutes pièces.

Les Monkees seront ainsi constitués de quatre musiciens recrutés sur petite annonce. Et les trois qui jouent d’un instrument sont priés de le laisser à la maison dans un premier temps : des musiciens de studio ont également été recrutés ainsi que des auteurs de chansons et un producteur. Les Monkees se contenteront donc de poser leur voix sur les compositions préparées par quelques grandes plumes, comme Tommy Boyce et Bobby Hart, qui supervisent l’ensemble, Neil Diamond ou le duo magique Carole King/Gerry Goffin. Rien finalement de très différent des productions des petites symphonies pop de Phil Spector ou des perles soul de la Tamla Motown.

Le succès est immédiat, tant pour la série télévisée que pour les disques. Ce qui peut paraître plus étonnant, vu la genèse de la chose, c’est que ce succès est parfaitement justifié par la qualité des enregistrements. Les -Monkees vont durer jusqu’en 1969 et enregistrer sept albums, les deux derniers en trio après le départ de Peter Tork, responsable des claviers. Le départ du guitariste Michael Nesmith, qui prenait une part de plus en plus grande dans l’écriture des morceaux, mettra fin à la carrière du groupe. -Provisoirement, car deux autres albums seront malgré tout -enregistrés par la suite : Pool It !, en 1987, sans Peter Tork, et Justus, en 1996, en formation complète.

La sortie d’un nouvel album des Monkees, dans lequel figurent trois des membres originaux (le quatrième, Davy Jones, étant décédé en 2012), est déjà une surprise de taille. Qu’il soit parfaitement enthousiasmant est encore plus inattendu. Un disque de pop-folk qui rappellera ceux du groupe dans les années 1960, ceux aussi du Lovin’ Spoonful. Avec tout ce qu’il faut d’intensité, de grâce et d’un soupçon de mélancolie, touche ultime des meilleures compositions du genre.

Des compositions une fois de plus signées Boyce/Hart, Neil -Diamond, King/Goffin. Mais aussi Andy Partridge (XTC) ou Paul Weller/Noel Gallagher. Quelques-unes avaient déjà été en partie enregistrées dans les années 1960. C’est le cas de « Good Times », composé par Harry Nilsson. Et, surtout, de « I Wasn’t Born To Follow », de King et Goffin. Une pure merveille enregistrée par les Byrds sur l’album The Notorious Byrd Brothers. Comme le souligne très justement Didier Delinotte dans l’excellent ouvrage qu’il leur consacre (The Byrds. Des cow-boys de l’espace, aux éditions Camion blanc), le groupe avait cette habitude de transcender tout ce qu’il touchait. S’attaquer à un morceau dont ils s’étaient déjà emparés était donc plutôt osé. Trop peut-être, ont pensé les Monkees à l’époque, ce qui explique qu’ils aient renoncé à aller au bout. À tort. Le groupe relève brillamment le défi avec une version différente, accentuant le caractère dramatique et le côté poignant qui, en trois mesures, figent le temps et l’espace.

Une sorte d’exploit, au diapason de la magie imprégnant tout ce disque, qui rappellera que les Monkees ont toujours été plus que ce qu’ils pouvaient paraître si on les considérait de loin. Ceux qui ont écouté leurs albums de la fin des années 1960 le savent depuis longtemps.

Good Times, The Monkees, Rhino/WEA.

Musique
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