Les bonnes intentions d’Hillary Clinton

La croissance stable entame sa septième année consécutive.

Gérard Duménil  • 7 septembre 2016 abonné·es
Les bonnes intentions d’Hillary Clinton
© Photo : Brendan Smialowski / AFP.

Dans le contexte de recul général des partis traditionnels de gauche en Europe, le programme économique (et du même coup social) d’Hillary Clinton ne peut que frapper par sa tonalité « sociale-démocrate ». Tout y passe : justice, égalité, imposition des riches, infrastructures et services publics, coup de pouce au salaire minimum, énergies renouvelables, etc. Certes, les voies supposées conduire à la présidence – à l’exception notable des programmes des extrêmes droites, comme celui de Donald Trump – sont pavées de bonnes intentions, mais on vient à s’interroger. Faut-il prendre ce programme au sérieux ?

À quoi rêve Hillary Clinton ? Une réponse plausible serait : à une embellie telle que celle qui illumina le double mandat de son mari, Bill Clinton, de 1993 à 2001. L’économie sortait d’une crise difficile en 1990. Au cours des années 1990, surtout durant leur seconde moitié, les performances furent exceptionnelles, enregistrant des taux de croissance de plus de 4 %. Le contraste avec les années 1980 était saisissant. Le déficit budgétaire, de l’ordre de 4 % du PIB lors de la première élection, ne fit que se réduire et laissa la place, à la fin du second mandat, à un excédent qui culmina au 1er trimestre 2000. On dit qu’Hillary Clinton joua un rôle majeur dans la success story de son mari. Pourquoi ne pas recommencer, en renouvelant un peu les rôles ?

On le sait, le grand boom des nouvelles technologies fut le vecteur de cette trajectoire éclatante, qui ne devait rien aux prétendues « clintonomics ». L’avancée des nouvelles formes de gestion et de la mondialisation-déréglementation néolibérales se poursuivait cependant en arrière-plan. La Bourse s’envola, et surtout les salaires des hauts cadres, dans cette lune de miel au sommet des pyramides sociales qui allait venir à bout de ces années de prospérité. La crise de 2000-2001, dans sa composante financière, et la récession furent redoutables. On peut y voir la répétition générale de ce qu’allait être la grande crise de 2008-2009.

De quelle économie héritera donc Hillary Clinton ? Depuis la crise de 2008, les États-Unis ont connu une croissance exceptionnellement régulière à des taux de 2 %. Les ménages, surendettés comme on sait, se sont quelque peu rétablis ; le déficit du commerce extérieur reste d’environ 3 % du PIB ; les profits des sociétés sont au plus haut ; les salaires des cadres poursuivent leur croissance et ceux de la grande masse de la population stagnent. Le fait nouveau, qu’elle préservera à n’en pas douter, est la forte intervention de l’État en matière de politiques industrielles et énergétiques, de fiscalité (notamment de récupération de l’argent des paradis fiscaux) et surtout de politiques macroéconomiques, avec un engagement extraordinaire de la banque centrale dont peuvent rêver les Européens.

La nouvelle menace se trouve peut-être, paradoxalement, dans la durée même de cette expansion. En cet été 2016, la croissance stable (sans récession) entame sa septième année consécutive, un record seulement battu dans les années 1960. La Bourse s’infléchit… La chute est-elle proche et qu’y pourra-t-elle ?

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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